Dans cet article, je fais mes adieux aux Imaginales et adresse un immense MERCI à celle qui en était l’âme, Stéphanie Nicot.💙
Ce qu’étaient les Imaginales pour les littératures de l’imaginaire
Les Imaginales, c’était juste le plus grand festival de la littérature de l’imaginaire en France.
En 20 ans, il était passé d’un petit évènement accueillant 2 000 personnes à un rendez-vous incontournable, réputé à l’international, accueillant jusqu’à 45 000 personnes pendant 4 journées hors du temps. Un évènement riche en rencontres, dédicaces, tables rondes, interviews, où les visiteurs affluaient de la France entière, mais aussi de nombreux pays.
Cette réussite était due avant tout au travail acharné, à l’intelligence visionnaire et à la culture éclectique de sa directrice artistique, Stéphanie Nicot. 👍 Stéphanie a toujours su varier le contenu, la programmation, l’organisation des Imaginales, si bien que chaque édition était encore meilleure que la précédente, aussi impossible que cela paraisse. Elle gérait cet évènement tentaculaire de main de maître, tout en rendant constamment hommage au travail réalisé par les équipes municipales et les bénévoles qui l’entouraient. 💗
Ce qu’ont représenté les Imaginales pour moi
J’ai entendu parler des Imaginales dès mes débuts dans l’écriture, en 2012. Les auteurs et autrices que je fréquentais sur le forum d’écriture CoCyclics, où j’ai fait mes premiers pas, en parlaient souvent, avec énormément d’enthousiasme. Au point que j’avais prévu d’y aller, comme eux, en simple visiteuse.
Et puis, je me suis dit que quitte à y aller en tant que visiteuse, avec des frais conséquents à la clé, vu l’éloignement et la durée du festival, pourquoi ne pas y être présente également en tant qu’autrice ?
C’est ainsi qu’en 2015, je me retrouvais, avec un seul livre publié, dans le Parc du Cours à Épinal.
J’y ai passé 4 jours absolument fous, merveilleux, riches en belles rencontres. 😍 J’ai ainsi pu :
- faire la rencontre de Robin Hobb, à qui j’ai servi de traductrice improvisée pour la télévision et avec qui je suis toujours en contact depuis (j’ai fait mon dernier cours de professeur d’anglais avec elle 🙏🥰) ;
- participer au speed dating des éditeurs ;
- participer au match d’écriture organisé par le club Présence d’Esprits ;
- dédicacer mon premier roman autoédité à de nombreux lecteurs (et notamment à ma première éditrice) ;
- partager des moments conviviaux avec les autres membres du forum CoCyclics, que je rencontrais pour la première fois IRL (In Real Life) et dont beaucoup sont devenus des amis très chers depuis 💗 ;
- rencontrer Stéphanie Nicot pour discuter autoédition ;
- faire le vœu, en quittant les lieux, de revenir un jour en tant qu’invitée du festival.
En 2018, je retournais enfin au festival : en effet, vu la distance et les frais engagés, je ne pouvais pas me permettre une participation annuelle, j’avais donc décidé de ne m’y inscrire que tous les trois ans. Cette année-là, je partageais un stand avec la maison d’édition Nats Éditions, à l’intérieur de la Bulle du livre. C’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai signé un contrat d’édition avec Natalie Sieber pour la série des Petit-Pierre. Les conditions étaient un peu moins propices que lors de ma première édition aux Imaginales : j’avais un peu moins de 80 cm pour exposer mes 4 livres, nous étions plutôt mal situées dans la Bulle du livre (face à un virage et une plante en pot), il faisait une chaleur de folie…
Mais, à nouveau, j’ai vécu des moments magiques :
- des lecteurs qui guettaient mon retour ;
- des amis que je retrouvais pour la première fois en 3 ans ;
- au final un nombre assez impressionnant de dédicaces ;
- une nouvelle rencontre avec Stéphanie Nicot, toujours aussi ouverte et bienveillante, qui débouchait sur de nombreux mails…
Et, en 2020, soit à peine 5 ans après avoir formulé ce vœu improbable, j’étais la première autrice autoéditée INVITÉE du Festival. À cause du Covid, l’évènement a été reporté à octobre 2021 et j’ai raconté dans cet article à quel point j’avais vécu un rêve absolu pendant cette édition. Un rêve que je devais avant tout à Stéphanie Nicot. 🙏🙏🙏
Ce qui se passe aujourd’hui
Lors des 20 ans du festival, en mai 2022, j’ai vu fleurir sur les réseaux de très nombreuses polémiques. Des tables rondes annulées, des intervenantes supprimées de la programmation et condamnées à se taire alors qu’elles étaient censées évoquer le sexisme (indéniable) présent dans l’édition, une autre table ronde au titre polémique et n’ayant rien avoir avec la littérature ajoutée. Tout cela sans l’aval, bien sûr, de sa directrice artistique.
Puis, début juillet 2022, une nouvelle crée une onde de choc sur le net : un appel d’offres a été lancé pour remplacer celle qui avait tant fait pour le rayonnement de la manifestation, suivi d’une interview hallucinante d’arrogance, d’hypocrisie et de prétention du directeur culturel de la ville d’Épinal.
Sur les réseaux, nombreux sont les auteurs à avoir assuré Stéphanie Nicot de leur soutien. L’une des figures les plus notables, Robin Hobb elle-même, fustige la mairie d’Épinal et annonce qu’elle ne reviendra plus aux Imaginales.
I am very distressed to learn that Stephanie Nicot, the long time direcor for @imaginales has been set aside. The mayor of Epinal believes that the festival cannot 'evolve' without changes at the top. Well, I suppose that I, too, am something that Imaginales can get rid of.
— Robin Hobb (@robinhobb) July 14, 2022
Dans la foulée, plus de 150 auteurs, éditeurs, festivaliers signent une lettre souhaitant affirmer leur soutien à Stéphanie Nicot et leur refus des nouvelles orientations imposées par la municipalité d’Épinal. J’ai fait partie des premiers signataires et ai contribué à la diffuser largement autour de moi.
Cette lettre paraît le lendemain de la réponse de Stéphanie Nicot dans les colonnes d’Actu SF. Une réponse qui révèle les conditions inacceptables dans lesquelles elle a fait son travail ces dernières années. Un article où l’on comprend que l’argent n’est pas le problème puisque Stéphanie Nicot évoque « le fait que la Ville propose désormais 25 000 € pour une direction littéraire alors que je n’en avais même pas obtenu 20 000 € pour une direction artistique me laisse penser que je serai remplacée par un homme, idéologiquement compatible et à l’échine plus souple. Une chose est sûre : c’en est fini de la liberté et de la diversité qui faisaient le charme des Imaginales, et dont j’étais, malgré toutes les chausse-trappes de ces dernières années, la garante. »
Mes adieux au festival
En conséquence, une chose est claire en ce qui me concerne.
Je refuse de participer à une manifestation où la diversité, l’ouverture d’esprit, la richesse culturelle ne sont que des mots de façade.
Je refuse d’être présente à un évènement où l’on réduit au silence des autrices parce qu’elles se sont exprimées — avec un courage et une dignité remarquables — sur le sujet du harcèlement dans le milieu éditorial.
Je refuse de remettre les pieds dans un festival qui fait preuve de si peu de considération envers celle à qui il doit TOUT.
Je fais donc mes adieux définitifs aux Imaginales. 😔
Merci, Stéphanie Nicot, pour ces merveilleux souvenirs et bravo pour avoir réussi à amener le festival à ce niveau. 👏👏👏
Je suis désolée que des intérêts politiques massacrent ainsi un si bel ouvrage, mais tu peux être fière de ce que tu as su créer. 🙏💙
Étant très peu connectée dernièrement, je n’ai pas suivi l’affaire mais un auteur, que je suis, a évoqué le sujet il y a quelques jours, en faisant l’éloge de Stéphanie.
Tu prends une bonne décision compte-tenu de la situation.
Il est triste de voir à quel point le monde se prive de ses libertés.
Oui, on est nombreux à la soutenir : tu as vu le nombre de signatures sur cette lettre…
Quel gâchis… 🙁
Un article très émouvant, Nathalie.
Depuis hier, je lis la peine immense des auteurs.
J’avais même l’impression que Les imaginales étaient mortes, mais quand je lis l’interview de M. Wieser, je pense qu’il va avoir du monde dans le milieu stérile de l’homme cis blanc bourgeois. La fameuse « vraie littérature » où les hommes fantasment de posséder des femmes quasi tout du long… Une littérature de plus en plus difficile à supporter. Je ne serais pas surprise d’y trouver les fameuses collections blanches de certaines ME…
Ta parole et celles des autres auteurices est d’autant plus importante : j’espère que le public va être au courant et signer l’arrêt de mort du festival (mais quand je vois que, malgré son succès, L’Autre Salon n’a pas réussi à mettre la pâté au Festival du Livre de Paris malgré le scandale, j’ai peur…)
Concernant l’appel d’offres, j’ai été jeté un œil au règlement de consultation, je ne suis pas étonnée vu les sommes en jeu, c’est obligatoire. Il y a des seuils dans les marchés public. C’est surtout qu’ils aient rémunéré Stéphanie tant de temps sans ce cadre qui est bizarre. A moins d’avoir proposé foule contrats précaires afin de ne pas dépasser les montants à chaque fois…
Je regrette vraiment de ne pas avoir connu Stéphanie, je l’admire énormément à la lecture de son interview. Elle ne plie pas, est solide comme un roc. Une femme que l’on a envie de connaître, de prendre pour modèle. Nul doute qu’avec son départ, les Imaginales n’auront plus jamais la même saveur. Tu m’avais donné envie d’y aller. Je sais aujourd’hui que je n’y mettrai pas les pieds.
Bravo pour ta courageuse décision.
Merci, Nisa, ton message me touche énormément : tu as tout compris des enjeux et des risques de dérive du festival. J’ai publié cet article afin que le public qui me suit prenne sa décision pour la suite en toute connaissance de cause…
Je reste stupéfaite par votre article et en même temps pas étonnée. Je devine une décision triste à prendre mais nécessaire.
Mais je connais un futur événement à venir en janvier prochain plein de promesses .
Merci beaucoup Joelle. ♥ C’est un espoir en effet, et Stéphanie m’a beaucoup aidée grâce à ses conseils pour lancer les Optimales. 🙂
Je ne comprends alors que nous sommes en 2022 où l’on a tant fait pour les femmes que tout ça se passe. J’aurais tellement adorer aller à ce festival qui reste une icone – un phare au milieu de la tempête jusque là.
C’est vraiment incompréhensible on a l’impression que tout est bouleversé pour aller vers quelque chose qui nous éloigne de ce que nous sommes et c’est vraiment affligeant.
Tout ce qui avait été construit de beau disparait (comme pour Paris).
J’espère toutefois qu’il restera des festivals où les valeurs que nous portons seront encore là pendant longtemps.
Je le souhaite de tout coeur. Je sais qu’Yggdrasil et les Optimales resteront dans cette lignée-là, alors j’espère vous y voir ! 🙂
Je découvre avec effarement toute cette affaire autour des Imaginales ! J’ai lu l’article de Stéphanie Nicot sur l’explication de son éviction et la trouve fantastique d’avoir tenu si longtemps dans ces conditions !! Son talent servira sans aucun doute d’autres manifestations de qualité ! Quant à toi ma Nathalie, tu as tout mon soutien, tu as pris la bonne décision ! Je me réjouis très égoïstement d’avoir pu venir te voir cette année … Je t’embrasse tout fort.
Oui, je me suis fait cette remarque aussi, qu’on avait eu beaucoup de chance de vivre ces moments ensemble. Je chéris le souvenir de cette dernière soirée aux Ima avec vous 2.
Je me suis éloigné des réseaux ces derniers temps et je découvre seulement cette affaire. Il est inadmissible que Stéphanie Nicot ait été traité de la sorte toutes ces années et qu’elle soit remerciée de cette façon. Je te soutiens entièrement dans ta démarche. Je n’ai jamais eu l’occasion de participer à cet évènement, mais il me faisait rêver quand je lisais tes retours. Je n’y participerai donc jamais dans ces conditions. Tu peux apporter tout mon soutien à Stéphanie Nicot, j’ai vécu une situation similaire lorsque j’étais une femme dans mon ancien métier et je suis de tout cœur avec elle. Je vois bien la différence de traitement aujourd’hui en tant qu’homme et c’est parfaitement inadmissible au XXIe siècle. Restons toustes soudé.e.s pour que ces injustices et mauvais traitements deviennent un mauvais souvenir.
Merci beaucoup, Lou, pour ce soutien et ce témoignage. J’ai parfois l’impression que notre société régresse dans le domaine de l’égalité et pourtant énormément de progrès ont été accomplis ces dernières décennies.
Alors, je pense qu’il s’agit de derniers actes un peu désespérés de la « vieille garde » et que cela va s’arrêter avec les prochaines générations.
Mais pour les Ima, et pour Stéphanie Nicot, c’est tellement, tellement dommage. 🙁
Une seule constatation : quel triste gâchis ! Beaucoup de courage à vous toutes, pour ne rien lâcher…
Merci beaucoup de ton soutien !