EDIT au 19/02/19 : l’Académie française vient enfin d’accepter le retour, entre autres, du mot autrice dans la langue française. Voilà, il va falloir vous y mettre, cette fois. 😉 Lire l’article de l’Express.

 

Bien sûr, lorsque j’ai commencé à être un peu connue grâce à ma plume est venu le moment où je me suis dit « Bon, alors, tu dis quoi : auteur, auteure ou autrice ? »

 

La solution de facilité : « auteur »

Franchement, je n’aimais aucun des deux derniers. « Auteure », je trouvais cela très disgracieux à l’œil et pas du tout différenciable, à l’oral, du masculin.

« Autrice », lui, résonnait très étrangement à mon oreille. On aurait dit qu’il s’agissait d’une faute. Et sa proximité vocale avec « autiste » n’avait pas forcément une bonne connotation chez mes interlocuteurs. Je tiens à dire que ce n’était pas le cas pour moi, mais on m’en a fait la remarque, alors je la rapporte ici.

Par facilité, j’ai donc à mes débuts adopté le vocable « d’auteur ». Surtout, je l’admets, pour ne pas déranger les habitudes de mes interlocuteurs et leur simplifier la vie. Peut-être aussi pour me simplifier la mienne : pas besoin d’expliquer à tout-va la raison de ce terme, il était déjà acquis par tous. Mais j’avoue que cela ne me plaisait qu’à moitié de suivre cette règle du « masculin l’emporte ».

Et puis, en février 2016, je suis tombée sur un article qui m’a vraiment ébranlée.

Cet article, il s’agit de celui publié par Audrey Alwett : « auteur, auteure ou autrice ?« , que je vous encourage vivement à lire.

J’y ai, pour la première fois, réalisé qu' »autrice » était l’orthographe d’origine pour qualifier mon activité, que ce n’était PAS un néologisme.

La solution historiquement correcte : « autrice »

Depuis, j’ai, moi aussi, fait des recherches sur ce mot.

Déjà, revenons sur « auteure » : là, pour le coup, il s’agit d’un néologisme, utilisé au Canada (eux habitués depuis longtemps à féminiser tous les noms de profession 😉 ). En fait, on ajoute rarement un « e » à un nom, c’est plutôt ce que l’on fait pour les adjectifs.

En France, de nombreux mots en « -teur » font leur pluriel en « -trice » : acteur – actrice, illustrateur – illustratrice, éditeur – éditrice, pour rester dans le monde du livre.

La différence avec la terminaison en « -teuse » (chanteuse, metteuse en scène, par exemple) est expliquée par le fait que les mots cités plus haut, ceux qui font leur féminin en « -trice », sont issus de mots latins terminés en « -tor » (plus d’infos dans un article trouvé sur le site de Druide, la société qui produit le correcteur Antidote, que j’utilise et vous ai déjà recommandé).

Or c’est le cas du mot auteur : « auctor » en latin, « auctrix » au féminin. D’où « autrice », forme grammaticalement correcte de ce mot… et utilisée jusqu’au XVIIème siècle.

Que s’est-il passé à ce moment-là, pour que ce mot disparaisse ?

Richelieu est arrivé et a créé l’Académie française. Bien sûr, celle-ci uniquement constituée d’hommes.

Ces derniers ont alors tout bonnement décidé d’adopter la règle du « masculin l’emporte sur le féminin » et de masculiniser tous les noms de profession. Ce n’était évidemment pas anodin, l’un des buts de l’opération étant d’empêcher les femmes de prendre trop de pouvoir et qu’elles restent dépendantes, notamment financièrement.

Autrice

Sur Wikipedia, « autrice » renvoie uniquement à « auteur »

 

La solution engagée : « autrice »

Suite à la lecture de ces articles, j’ai réalisé plusieurs choses et notamment le fait qu’en continuant à utiliser « auteur » pour me décrire, j’étais en quelque sorte complice de cet « effacement » des femmes dans la littérature. Comme le dit Audrey Alwett, il s’agit d’un choix qui signifie quelque chose :

chaque orthographe défend une idée différente. Ce n’est pas du tout anodin de dire auteur, auteure ou autrice.

 

D’autres autrices, comme Aurore Evain, se sont ouvertement engagées pour rétablir ce vocable. En effet, utiliser « auteur » c’est, pour elles, accepter l’éradication systématique de l’apport féminin à la littérature française.

Comme Aurore Evain l’a dit lors d’une interview par Tv5-monde,

Une femme peut propager une parole d’homme, être son interprète (être actrice), mais ne peut pas être à l’origine et avoir autorité sur une parole qui lui est propre (être auteure). C’est aussi au moment où des femmes de lettres arrivent, où certaines essayent de gagner leur vie en écrivant qu’on fait la guerre à cette figure.
Le terme « auteur » avait un sens sémantique assez réduit et dès qu’il a commencé à avoir un sens plus légitime et plus fort socialement, c’est alors que l’on a supprimé le terme autrice.

Dans la liste de celles qui se battent pour rétablir le vocable, on trouve aussi Éliane Viennot, dont les ouvrages sur le sujet (« L’Académie contre la langue française » ou « non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! ») et les multiples interventions (comme dans la vidéo ci-dessous) contribuent à promouvoir l’usage, notamment, du mot « autrice ».

Autrice et fière de l’être

Ébranlée par tous les articles lus sur le sujet, je me suis dit qu’il m’était désormais impossible de ne pas adopter le terme d’autrice. Pas parce que je suis une féministe extrémiste, mais parce que ce terme est celui qui m’apparaît être le plus juste. Grammaticalement ET idéologiquement.

Il figure d’ailleurs désormais dans le « wiktionary« , le Petit Robert* et les dictionnaires Hachette. Pas dans le Larousse et bien sûr, pas à l’Académie française, qui a publié une « mise au point » en 2014 sur sa position quant à la féminisation des noms de métier.

Au début, je le reconnais, cela m’écorchait un peu la langue de l’employer.

Mais cela fait désormais presque deux ans que je l’utilise, ce terme, et non seulement il me vient désormais tout naturellement, non seulement je le défends moi aussi dès que je peux (par exemple lors de cette interview à la radio de Bourg lès Valence, vidéo calée à ce moment-là de la discussion), non seulement je l’affiche sur mes cartes de visite, mais je suis émue de voir que nous commençons à être de plus en plus nombreuses à revendiquer ce terme et à l’employer pour nous décrire.

Autrice

Ma nouvelle carte de visite avec le terme « autrice » bien visible.

 

D’où l’idée de compiler une liste de celles et ceux qui militent, comme moi, pour utiliser ce terme.

[alert_box style= »danger » close= »no » custom_class= » »]Si vous aussi êtes une autrice ou si vous défendez l’utilisation du mot « autrice » sur votre blog ou site internet, n’hésitez pas à vous mentionner dans les commentaires en m’indiquant un lien, je vous rajouterai à cette liste que j’espère bien voir grandir.[/alert_box]

Voilà, maintenant, vous savez. À vous de choisir l’utilisation qui vous correspond le mieux. Je ne vous en aimerai pas moins si vous décidez de faire différemment, rassurez-vous. ♥

Moi, en tout cas, j’ai choisi : je suis autrice.

 

* Merci à Cindy Costes qui m’a signalé l’article du Figaro du 7/03/2017 où le lexicologue Edouard Trouillez parle de la décision du Petit Robert d’intégrer « autrice » dans son dictionnaire :

Le Petit Robert a néanmoins intégré le mot dans ses colonnes. «La forme féminine entrée dans notre dictionnaire est “autrice“», indique Edouard Trouillez. On peut en effet y lire «Auteur, nom masculin, rare Autrice, nom féminin». Le lexicologue précise toutefois que le mot «auteure» reste envisageable. Le thésaurus note: «On trouve aussi “une auteure“ sur le modèle du français du Canada.»

 

Liste de celles et ceux qui utilisent ce terme dans le monde du livre

Aemarielle

Audrey Alwett

Nathalie Bagadey

Selma Bodwinger

Florie Buecheler

Andréa B. Cecil

Florence Clerfeuille

Cindy Costes

Colcoriane

Mélanie De Coster

Aurore Evain

Yannick A.R. Fradin

L’imaginaerum de Symphonie

Dorian Lake

Dominique Lemuri

Laurence Lopez Hodiesne

Christophe Thill (Éditions Malpertuis)

Louise Morens

Elisa M. Poggio

Céline Saint-Charle

Fabienne Sartori

Jeanne Sélène

Symphonie

Cindy Van Wilder

Denis Vergnaud

Éliane Viennot

Aline Wheeler