Ah vous l’attendiez, la voici !

L’interview de la petite peste qui a tant embêté Sylvine pendant son enfance.
J’espère que vous l’apprécierez !

 

Je me suis bien amusée à la rédiger, mais je dois avouer que les questions (souvent tordues 😀 ) ont été un vrai challenge !


 

 

 

            Dans l’un des clairs salons de la demeure des Importants, une petite troupe hétéroclite attend impatiemment. Il y a là un homme grand et mince, aux lunettes studieuses et au sourire amical. A ses côtés, toujours en mouvement, se tient un jeune homme au teint pâle qui semble agité. Ses yeux guettent la porte menant aux appartements des Sages, comme s’il craignait l’arrivée d’une personne en particulier. Enfin, confortablement assises dans des fauteuils bulle, deux femmes devisent. L’une est d’un âge mûr, aux cheveux châtains et aux yeux clairs, l’autre est une toute jeune fille grande, belle et élancée. Elle parle avec animation, en agitant ses mains et son interlocutrice rit souvent à ses propos.

            Toutes ces personnes attendent celle qu’ils sont venus interviewer, Ecorcelle de la Forêt aux Esprits. Mais la demoiselle se fait attendre et c’est avec près de 15 mn de retard qu’elle entre enfin dans la pièce, gracieuse silhouette vêtue de taffetas bleu assorti à ses yeux et à son teint de blonde.

            En les remarquant, elle semble marquer une légère hésitation, puis se dirige vers la femme qui s’est levée et s’avance vers elle.

            — Ecorcelle, merci d’être venue répondre aux questions de mes amis.

            — C’est bien normal, répond la jeune fille en inclinant la tête sur le côté. Mais je croyais…, enfin… je m’attendais à ce qu’ils soient plus nombreux…

            Ses cils se baissent modestement à la façon des ailes de papillon. On la sent fragile, un peu blessée de ce manque d’intérêt.

            — Ne t’inquiète pas, ils ont prévu beaucoup de questions à te poser, la rassure l’auteure.

           

            Souriant avec chaleur à cette dernière, s’avance alors le premier intervieweur, Acharat. Il se tourne ensuite avec moins d’entrain vers celle à qui il a prévu de poser ses questions :

            — Bonjour, Ecorcelle, pouvez-vous me dire de quelle couleur irradie votre loupiote ?

            — Ma… ?

            La jeune fille lance un regard perdu vers la femme à ses côtés.

            — Ta lampe, il parle de ta lampe, ajoute vivement l’auteure, en se mordant la lèvre pour ne pas rire devant l’air éberluée d’Ecorcelle.

            — Ah oui, ma lampe. Eh bien, voyez-vous, je vais la recevoir dans quelques journes. Je ne peux donc pas vous dire exactement comment elle sera…

 

            La demoiselle minaude un peu, manifestement très tentée d’en dévoiler davantage.

            — Enfin… Je suppose qu’à vous je peux le dire… Elle sera jaune. En effet, je réside désormais à Enu, il est donc tout à fait approprié que j’en porte les couleurs.

 

            Acharat hoche la tête avant de reprendre :

            — Quelle âge avez-vous ?

            — Eh bien je vais avoir 16 cycles dans quelques journes, puisque c’est à cette occasion là que je recevrai ma lampe.

             

            — Quel lien avez-vous avec Gandore ?, reprend alors le jeune homme qui l’interroge.

            Ses yeux se sont faits fervents tout à coup et Ecorcelle semble flattée de ce soudain intérêt. Bien que manifestement très étonnée de la question qui vient de lui être posée.

            — Gandore ? Le Grand Sage de Citara ? Eun, aucun pourquoi ?

            — Oh, pour rien, fait Acharat, une expression de déception clairement affichée sur son visage.

            Il aurait bien aimé en savoir plus sur son idole… et manifestement il ne s’agit pas d’Ecorcelle. Il finit tout de même par demander à celle-ci :

            — Quelle est votre profession à Citara ?

 

            C’est au tour de la jeune fille de s’illuminer. Manifestement cette question lui plaît plus que les précédentes car elle y répond avec passion :

            — Je suis musicienne. Je joue de plusieurs instruments bien sûr, mais mon préféré est la flûte. J’ai été conviée à Enu pour y animer la Fête de la Maturité de Dame Sopheline et la famille de Rochelaure a tellement apprécié ma musique qu’ils m’ont offert un poste ici même, dans la capitale.

 

            Tout le monde murmure poliment son admiration, puis c’est au tour de Marc ou Net de s’avancer.

            L’auteure semble subitement tendue elle aussi et à son tour, elle se met à regarder en direction de la porte menant aux chambres des Sages, comme si elle craignait d’en voir surgir Gandore.

            Et elle a raison de s’inquiéter car comme à son habitude, le jeune homme attaque d’emblée :

            — Pourquoi croyez-vous que c’est normalement à vous que repose le rôle de Gardienne ?

 

            Ecorcelle toise son interlocuteur de ses yeux bleus glacés. Elle prend le temps de remettre en place l’une de ses impeccables mèches blondes avant de répondre :

            — Je regrette, je pense que vous faites erreur, ce n’est pas moi qui ait des prétentions de Gardienne. S’entraîner à lutter comme un homme, pffft, cela ne m’intéresse pas une seconde !

 

            Mais celui qui est un fier défenseur de Sylvine lance alors agressivement :

            — Quelles embuches avez-vous prévu de mettre dans les pattes de Sylvine ?

 

            Un silence gêné accueille ses paroles. Certes l’inimitié entre les deux jeunes filles n’est un secret pour personne, mais la formulation est maladroite.

            Ecorcelle répond tout de même. Ses yeux lancent des éclairs, mais sa voix reste calme et son expression se fait mielleuse :

            — Je vois que cette chère Sylvine a un fervent admirateur… Soyez assuré, cher Sieur, que je ne veux aucun mal à celle-ci. Il est vrai que je déplore son attitude de sauvageonne, surtout dans un lieu aussi prestigieux qu’Enu et alors qu’elle est quotidiennement en contact avec les Importants, ceux-là même qui dirigent notre pays. Je crains que cela ne donne pas une bonne image des Forestières, mais je vous assure que je n’ai pas l’intention de lui nuire. Juste de l’éviter le plus possible.

 

            Mais Marc ou Net s’empourpre et lui lance, furieux :

            — Pourquoi n’acceptez-vous pas votre rôle de méchante gosse face à la géniale Sylvine ? Et puis vous n’êtes qu’une sale petite peste qui se croit meilleure que tout le monde !

            — Oh !!!!!!!

            Drapée dans son orgueil blessé, Ecorcelle s’est levée du fauteuil au bord duquel elle avait pris place. Elle a levé le menton, hautaine, et toise l’importun.

 

            L’auteure n’a pas le temps d’intervenir que Marc ou Net a déjà claqué la porte. Un silence gêné suit l’altercation puis Ecorcelle se rassoit et se racle la gorge.

            Eola s’avance à son tour. Elle aussi semble ne pas avoir de sympathie particulière pour la musicienne :

            —Avez-vous un  lien de parenté avec Sylvine ? Des problèmes familiaux ? Êtes vous désagréable avec tout le monde, ou votre jalousie se porte-t-elle essentiellement sur Sylvine ?

            — Ah mais ça suffit à la fin !, s’impatiente la demoiselle. Puisque je vous dis que je n’ai rien à me reprocher concernant votre chère Sylvine ! Non, nous ne sommes pas de la même famille, heureusement, et je trouve pour l’instant que ce sont surtout vos questions qui sont désagréables.

 

            A ce moment là, l’auteure intervient et explique que les personnes présentes ont tous suivis avec intérêt les aventures de Sylvine et donc se sentent presque ses amis, ce qui peut expliquer leur tension à son égard. Mais qu’il est bien évident qu’ils peuvent tout à fait se tromper. Après tout, ils n’ont eu que le ressenti de Sylvine, sa « version des faits ».

            Un peu rassérénée, la beauté blonde consent à poursuivre l’entretien.

 

            Eola s’enquiert alors, plus poliment :

            — Quel pouvoir aimeriez-vous avoir ?

            — Ecoutez, je ne suis pas pour ces « tours de magie » et autres histoires pour les crédules. Le seul pouvoir qui m’intéresse, je l’ai déjà. Celui de charmer les gens par ma seule musique. Je n’ai pas besoin d’autre chose, croyez-moi.

            — Bien…, conclut Eola, manifestement pas complètement convaincue. Montez-vous à cheval ?, poursuit-elle, comme si cela pouvait faire remonter le capital sympathie de la jeune femme.

            — A cheval ?, moi ?, s’offusque la jeune fille à la robe froufroutante. Ah non alors ! A quoi cela me servirait-il d’ailleurs ?

 

            Manifestement toujours aussi réservée envers Ecorcelle, Eola prend congé :

            — Bien à vous, que la Gardienne vous préserve (ou pas)…

            — Hum, rétorque Ecorcelle avec la même froideur. Si ça ne vous dérange pas, je préfère m’en remettre à la Créatrice. Un pouvoir divin est tout de même plus appréciable que celui d’une simple Forestière…

 

            Acharat s’enhardit alors et revient poser d’autres questions :

            — Etes-vous amoureuse d’Olivier ? Depuis quand ? Qu’a-t-il de particulier mis à part les muscles ?

            La jeune fille prend un air faussement modeste pour répondre.

            — Dites donc vous, je vous trouve bien indiscret…

            Elle émet un petit rire perlé, plein de coquetterie.

            — Il se peut que le jeune sieur en question ait manifesté… que je ne lui étais pas indifférente… Mais cela ne va pas plus loin pour l’instant…

            Elle essuie une imaginaire poussière de sa robe, tout en lançant un regard entendu à son interlocuteur.

 

            Mais celui-ci enchaîne alors avec une attaque inattendue :

            — N’êtes-vous pas en fait la complice de Rohé, du fait de votre jalousie envers Sylvine ? Et donc, c’est vous qui avez permis l’intrusion des maudits dans Enu afin d’éliminer votre rivale ? Aimez-vous Rohé ?

            — Quoi ??? Mais vous êtes fou ! Qui pourrait aimer un être aussi vil ? Je prie la Créatrice tous les jours pour qu’il soit arrêté et justicié… et qu’enfin nous puissions à Citara vivre une vie emplie de bonheur et d’instants plaisants au lieu d’être constamment sur le qui-vive. Sans compter qu’il devient difficile de s’approvisionner en certaines marchandises. Regardez, ma robe, par exemple, c’est le dernier modèle livré de Siort. Depuis, plus aucun convoi n’a pu passer les pilleurs ! Ah non alors, moi, une complice de Rohé, c’est trop fort !

 

            Elle est sincèrement outrée de la suggestion et lorsqu’Acharat pose la question suivante, elle lève le menton d’un air hautain et refuse d’y répondre.

             — Que pensez-vous de Marc ou Net ?, avait tenté de demander Acharat.

 

            Personne n’en saura rien, mais vu les lèvres pincées de la jeune fille, ce ne doit pas être bien glorieux.

 

            Comprenant qu’il est allé trop loin, Acharat se fait plus attentionné :

            — Pourquoi montrez-vous aux autres aussi méchante ? Vous ont-ils fait souffrir ? En quoi ? Vous ne vous aimez pas peut-être ?

            — Je vous remercie de votre sollicitude, répond Ecorcelle en levant un sourcil. Mais la vie a été clémente envers moi et je n’ai pas l’impression d’avoir été un bourreau envers les autres. Il n’y a qu’à voir le nombre d’amies ou de conquêtes qui m’entourent. Ce n’est pas moi, la personne solitaire dans l’histoire, persifle-t-elle en faisant clairement allusion au manque d’amies proches dans l’entourage de Sylvine. Quant à ne pas m’aimer… je ne voudrais pas passer pour une orgueilleuse, mais je n’ai pas à me plaindre de mon apparence. Qu’en pensez-vous ?, fait-elle avec un sourire narquois.

 

            Il est vrai que sa beauté est à couper le souffle et elle ne semble pas manquer de confiance en elle. Abandonnant cette piste, Acharat tente d’autres questions, moins polémiques :

            — Avez-vous un animal de compagnie ?

            — Non, je n’en vois pas l’utilité, je suis très heureuse sans.

            — Aimez-vous votre profession ?

            — Oui, je vous l’ai dit, c’est une véritable chance pour moi. Mon don pour la musique m’a permis de me sortir de cette vie simple de Forestière et goûter enfin à la beauté et à la culture d’une grande ville comme Enu. Ici, mon talent est apprécié à sa juste valeur.

            — Que vous inspire le rôle ingrat de Gardienne de Citara ?

           

Acharat tente de faire comprendre par cette question à Ecorcelle que la position de Sylvine n’est pas si facile à vivre que cela. Mais son interlocutrice a une moue dédaigneuse :

            — Pour l’instant, je ne vois pas à quel point la fonction est si épuisante que cela… Que je sache, la Gardienne n’a pas grand chose à faire, à part être félicitée partout où elle passe, pour ce qu’elle est censée être. Nous verrons bien quand il y aura du danger si elle saura être à la hauteur. Mais j’avoue ne pas être si rassurée que cela de voir que ma vie repose dans les mains d’une fille de quelques quartiles à peine mon aînée…

            Et elle affecte d’être parcourue d’un frisson à cette idée.

           

            Acharat  reprend alors :

            — Quel est votre plus grand désir ?

            — Hum… Si je vous le disais, il n’aurait pas assez de chances de se réaliser, sourit Ecorcelle d’un air entendu. Mais il y a un beau jeune homme brun qui y figure.

 

            Acharat s’apprête à prendre congé quand il se ravise :

            — Que veut dire votre prénom ?

           

            Ecorcelle le contemple un instant, interdite :

            — Je ne sais pas, il est beau, c’est ce qui compte.

            Elle hausse les épaules puis se lève avec grâce avant d’ajouter d’un ton ferme :

            — Bien, il est temps pour moi de vous saluer et de vous souhaiter un bon retour chez vous. J’ai été… ravie de faire votre connaissance.

 

            Tandis qu’elle s’éloigne, visiblement soulagée de mettre fin à cet entrevue houleuse, l’auteure souffle à Acharat :

            — Elle s’appelle ainsi car on y trouve des résonnances entre l’écorce (des arbres de la Forêt dont elle est issue, mais aussi de celle dont elle est faite, car elle est résistante voire même dure parfois), l’étincelle (quand elle joue, elle est animée par la passion), la rime avec « belle »… Et puis c’est un nom original, tout à fait Citarien, je trouve.

            Non ?

 

Article importé de mon ancien blog

 

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