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J’ai mis du temps à l’écrire (elle fait 7 pages, tout de même), mais je me suis ré-ga-lée !!

Voici donc l’interview de mon « méchant »… 😉 (je rappelle que les questions ont été posées dans les commentaires la semaine précédant l’interview)

 

Dans une pièce petite mais lumineuse, agrémentée de coussins colorés, une femme aux cheveux bruns est en train de faire les cent pas.
En attendant ses lecteurs, elle ne peut s’empêcher de s’inquiéter : a-t-elle pensé à tout ? Comment va se comporter l’invité d’honneur, pour qui elle a une tendresse particulière mais qui s’avère souvent ingérable ?
Mais il n’est plus temps de ruminer et de se demander si elle a bien fait d’organiser cette rencontre : les premiers arrivants sont déjà là.
En souriant, elle accueille une petite femme brune de son âge, qu’elle embrasse avec chaleur. Toutes les deux se connaissent bien et s’apprécient. La nouvelle venue s’appelle Monty et ses yeux vifs fouillent la pièce :
— Alors, il n’est pas encore là ?
— Non. Rohé soigne toujours ses entrées donc il nous rejoindra probablement le dernier, tu sais.À la suite de Montypython, arrive un homme dynamique au franc sourire et aux lunettes de soleil. Il boitille mais cela n’enlève rien à son charme. Il fait un baise-main à son hôte assorti d’une remarque qui, comme toujours, la fait rire (« oh, Mani, voyons !! »), puis prend place sur un fauteuil. Quelques secondes plus tard, il a déjà dégainé son smartphone et surfe activement sur le net, ne souhaitant pas perdre une minute de son temps si occupé. Entre-temps, une jeune femme s’est à son tour introduite dans la pièce. Son allure féline est accentuée par le masque représentant une panthère qui couvre son visage. Elle salue d’un clin d’œil complice celle qui les accueille en ces lieux puis prend place posément sur l’un des fauteuils. Mani lève quelques instants les yeux de son portable et la regarde d’un air appréciateur avant de se replonger dans les nouvelles palpitantes qu’il a reçues.

Un couple fait alors son apparition : la femme aux cheveux bouclés et au sourire lumineux discute avec affection avec l’homme, porteur d’une cravate et de lunettes qui lui donnent un air strict, mais au doux regard.

— Naturella, Acharat, c’est toujours un plaisir de vous voir ici !

Leur hôtesse les accueille avec l’enthousiasme que l’on réserve aux vieux amis, ceux qui sont à vos côtés depuis longtemps.

Enfin, la dernière invitée arrive. Chantonnant, comme à son habitude, un air de Michel Sardou (« terres… brûlées… au vent… »), elle est conduite à son siège par l’autrice qui l’a prise en affection.
Celle-ci prend place sur l’estrade où un beau fauteuil ouvragé en face du sien attend la star du jour. Elle se frotte nerveusement les mains en se demandant ce que leur a préparé son personnage.

Elle ne tarde pas à avoir la réponse à cette question.

Tout à coup, les lieux s’obscurcissent, tandis qu’un grondement sourd, annonciateur de tempête, fait longuement écho dans la pièce. Deux torches, fichées de part et d’autre de l’estrade, ont remplacé la lumière électrique, plongeant le reste de la salle dans une semi-pénombre.

Soudain, il est là, assis sur le siège qui lui était destiné, une jambe négligemment croisée sur l’autre.

Le moins que l’on puisse dire de Rohé, c’est qu’il est impressionnant. Déjà par la force qui se dégage des prunelles sombres : on jurerait que celles-ci vous dévorent lorsqu’elles vous dévisagent. L’antagoniste principal de Citara est entièrement vêtu de cuir noir, de ses bottes jusqu’à sa chemise ouverte sur le début du cou. Les tatouages qui y naissent et se prolongent sur le visage semblent s’animer dans la lumière dansante des torches.

Personne ne bouge dans la pièce, comme s’ils étaient tous soudain changés en statues de pierre. Finalement, l’autrice se racle la gorge :

— Hum, bienvenue, Rohé, et merci d’avoir accepté cette… hum… invitation.

Tandis que le personnage hausse un sourcil narquois, elle rougit puis se tourne vers l’assistance.

— Alors ? Qui veut commencer ?

Courageusement, Monty lève la main et se lance.

— Bonjour, Sieur Rohé, euh… je voulais savoir ce que vous envisagez de faire de Sylvine si vous la capturez ?

— Bonne journe à vous, belle dame. Je regrette de devoir débuter cet entretien en vous déclarant que cela ne regarde que moi.

Sa voix rauque et grave, tout autant que le ton sans appel, fait tressaillir son interlocutrice.

— Rohé…, intervient l’autrice, très embêtée, vous aviez promis de jouer le jeu !

Il pousse un soupir agacé mais consent finalement à répondre :

— Eh bien disons que je souhaiterais avoir une longue discussion avec elle. Elle m’intéresse particulièrement, ce petit bout de femme : toute jeune et déjà héroïque, oui, j’avoue que j’aimerais beaucoup en savoir plus sur sa philosophie de la vie.

S’enhardissant, Monty poursuit alors :

— Que s’est-il passé entre son père et vous ?

Il essuie nonchalamment une poussière sur son pantalon, comme s’il se désintéressait complètement du sujet abordé :

— Absolument rien. Ce n’était que l’une des victimes parmi tant d’autres dans mon plan de conquête, il n’avait aucune espèce d’importance. Un homme propulsé un peu trop vite par ses pairs au rang de héros ; or, il ne suffit pas de se battre contre trois misérables péquenots pour prétendre à ce statut, vous savez. Il l’a compris à ses dépens.

Devant le mépris souverain qui brille dans les yeux, Monty ne peut s’empêcher de s’exclamer :

— Pourquoi tant de haine ?

— Oh, je vous assure, la haine est un sentiment bien plus fort que ce que je ressens pour ce pauvre hère. D’ailleurs, je ne déteste personne : haïr, c’est admettre que l’autre a une emprise sur vous, qui vous fait ou vous a fait du mal. Or, personne n’a ce pouvoir sur moi.

En déglutissant avec peine, Monty le salue de la tête avant de se rasseoir. C’est au tour de Mani de prendre la parole. Nerveusement, il fourre son téléphone dans sa poche et se tourne vers l’autrice :

— Alors rapidement, deux questions qui me viennent à l’esprit : Rohé a-t-il conscience de n’être qu’un personnage dans un univers créé par une auteure et…

Il fait une pause avant d’ajouter, un sourire moqueur aux lèvres :
—… où se fournit-il en bracelets d’émeraude téléporteurs ?

L’autrice frémit, s’attendant au pire. Car l’inconscient n’a pas posé sa question à Rohé et, encore plus grave que cela, il l’a carrément ignoré. Elle sait que cela ne va pas être du tout apprécié par son personnage.

— Je pense que ce jeune impertinent aurait besoin d’une leçon, lance en effet Rohé.

Il a conservé sa position nonchalante mais un observateur attentif remarquerait que son corps s’est nettement tendu.

— Commençons donc par aborder le deuxième point.

Il défait tranquillement ses boutons de manchette et découvre les fameux bracelets.

— Ces objets sont fabriqués à partir des mines que mes… employés exploitent pour moi. Je vous invite d’ailleurs à un séjour là-bas si vous souhaitez en savoir plus. Quant à la magie qui les anime, il ne s’agit pas uniquement de téléportation. Voyez plutôt :

Il a croisé les poignets l’un sur l’autre et orienté l’éclair vert qui a jailli à leur contact vers le jeune homme.

L’instant d’après celui-ci est… différent. Il a gardé l’essentiel de ses traits mais il s’est transformé en peluche. En peluche animée car il regarde ses membres puis se tâte avant de s’exclamer, moins paniqué que l’on pouvait s’y attendre :

— Hey ! Mais qu’est-ce qui m’arrive ? Je suis une peluche ou bien ?

Dans l’émotion, les expressions et l’accent suisses réapparaissent.

— Je vous rassure, commente calmement Rohé, qui a levé une main en geste d’apaisement en direction de son autrice, qui s’interpose déjà. L’effet ne durera pas éternellement. Vous devriez reprendre votre apparence normale… prochainement.

— Mouais, râle le jeune homme, en s’asseyant, comprenant qu’il n’y a pas grand-chose à faire, à part attendre que le sort disparaisse.

— Maintenant que vous êtes attentif, je vais répondre à votre première question. Je dois reconnaître que hors les Brumes, je n’avais pas vraiment ressenti l’ingérence d’une personne dans mes décisions.

Et il coule un regard inquisiteur vers sa Créatrice, qui ne peut s’empêcher de se tortiller nerveusement sur son siège.

— Mais je peux vous dire une chose : je crois que je l’influence au moins autant qu’elle m’impose ses choix. Je me trompe ?

Rougissante, l’autrice ne peut que secouer la tête, en repensant aux événements qui lui ont été inspirés par son personnage et qu’elle n’avait pas imaginés au départ.

— Intéressant, reconnaît Mani. Aussi intéressant que la sensation étrange d’avoir un corps de peluche. Cela me donne presque une idée d’histoire…

Et il se rassoit, songeur, comme s’il était déjà parti loin de cette pièce.

Se lève alors la jeune femme à l’allure féline, Panthera. Elle regarde Rohé avec une franche admiration dans les yeux et il semble qu’elle marmonne quelque chose comme « Trop la classe ! »

Puis elle pose ses premières questions :
— D’où te viennent ces cicatrices sur ton visage ? Et que signifie le tatouage que tu portes ?

Rohé a haussé les sourcils devant le tutoiement employé par Panthera. Son autrice croise les doigts en espérant qu’il ne va pas également s’en prendre à celle-ci et compte sur la faiblesse de son personnage pour les jeunes et jolies femmes pour l’adoucir à cet égard. Il semble que cela fonctionne car après avoir simplement levé les yeux au ciel, il consent à répondre à la question :

— Je porte de nombreux tatouages : sur mon visage figure celui de la Salamandre dont j’apprécie l’intelligence et le courage. Quant aux cicatrices, elles remontent à un temps où j’étais suffisamment jeune pour être imprudent et inconscient. Elles sont là pour me rappeler de toujours être vigilant car l’attaque peut venir de n’importe où, même de son propre camp.

Panthera hoche la tête, même si elle ne voit pas trop à quoi il fait allusion. Puis elle fronce les sourcils :
— Il y a quelque chose que je ne m’explique pas : pourquoi avoir tué le père de Sylvine ?

Rohé crispe ses mâchoires :

— Mais qu’est-ce que vous avez tous, aujourd’hui, à me parler de ce pauvre type ? Je le répète, il n’était rien, rien en regard de ce que je suis, moi. Vous verrez qu’il finira par être oublié de tous, alors que mon nom, lui, restera dans l’histoire de Citara.

Ses yeux se font faits un peu fixes et l’assistance réalise tout à coup que pour charismatique qu’il soit, le personnage est tout de même à deux doigts de la folie à cet instant. Or il n’est jamais bon de disposer d’autant de pouvoirs lorsque l’on a du mal à conserver son calme.

Panthera n’insiste pas et se rassoit promptement.

Naturella se lève alors. Elle sourit avec chaleur ; c’est peut-être la seule de l’assistance à ne pas avoir été ébranlée par la lueur de folie qui a brillé un instant dans ses yeux.

— Allez, avouez-nous tout : je pense que malgré le fait que Sylvine et vous êtes ennemis, vous avez quand même un secret espoir qu’elle rejoigne votre côté…

Rohé et l’autrice échangent un coup d’œil furtif avant qu’il ne réponde :

— Je ne peux nier une chose : je vais tout faire pour la convaincre de se rallier à ma cause. Et, croyez-moi, j’ai des arguments de poids, ainsi que vous le verrez dans les prochains tomes.

Naturella, qui ne pensait pas réellement obtenir de réponse, écarquille grand les yeux et en oublie d’en poser une autre. Acharat enchaîne donc avec ses propres questions :

— Je n’ai pas bien compris, pouvez-vous me dire où vous avez trouvé les émeraudes qui vous servent à communiquer avec vos hommes ?

— Les émeraudes se trouvent à foison dans les Sous-Terres qui m’appartiennent. Après, il ne s’agit bien évidemment pas de pierres naturellement « communicatrices » : c’est seulement ma maîtrise de la magie qui me permet de leur donner un pouvoir particulier. Même si je dois reconnaître que leur usage le plus fréquent est d’espionner les Citariens.

— Vous désirez améliorer les conditions de vie des Maudits, or vous devez tuer des femmes pour faire vivre les Vicres (je les adore, au passage). Comment pouvez-vous accepter ce fait de cruauté ?

— Mon jeune et naïf ami, rit légèrement Rohé. Il faut bien que vous compreniez que je n’ai rien d’un philanthrope : il est stratégiquement très profitable d’inciter mes Maudits à envisager les avantages qu’ils ont à livrer les batailles dans lesquelles je les ai engagées. Mais ce n’est pas mon but ultime dans la vie que de les voir vivre heureux et installés dans une maisonnette Citarienne non plus. Ils me sont utiles et en échange de leurs services, je leur apporte un toit, de la nourriture et des richesses. Il s’agit d’un simple accord commercial : en aucun cas je ne suis leur « Champion ». Quant aux Vicres, je suis ravi qu’elles vous plaisent autant. Sachez toutefois que je ne les conçois pas majoritairement grâce aux femmes tirées de la population des Maudits : la plupart ont été créées à partir des Citariennes qui ont croisé ma route et que j’ai jugées dignes de cet honneur. Car il n’est pas donné à toutes les femmes de devenir une Vicre résistante, il faut bien les choisir, croyez-moi.

Tandis que l’assistance réprime un frisson d’horreur à l’entendre évoquer avec autant d’indifférence les crimes qui président à la naissance de ces créatures, Acharat demande, inquiet :

— Qu’envisagez-vous pour la fille de Gandore ?

— Ah…

L’air songeur, Rohé se caresse longuement le menton.

— Je vous avoue qu’elle serait le plus beau joyau de ma collection. Je crois même qu’elle pourrait constituer une Vicre suprême, à la résistance infinie. Mais je crains que la Vicre que je serais arrivé à forger à partir de son âme ne finisse par se retourner contre moi, aussi je ne pense pas tenter l’expérience.

En face, Acharat devient rouge et se dandine, hésitant à formuler une ultime question.

Comme s’il avait perçu ses pensées, Rohé lève un sourcil amusé.

— Si l’envie vous en prend, considérez-vous comme invité à me rejoindre dans les Sous-Terres.

Mais avant que le jeune homme n’ait pu manifester sa joie à cette idée, il ajoute doucereusement :

— Après tout, j’ai déjà aussi créé des Vicres à partir d’hommes qui m’étaient apparus particulièrement aptes à la fonction.

Ayant soudain du mal à avaler, Acharat s’assied sans broncher. Et c’est au tour de Connemara de poser les dernières questions :

— Avez-vous des liens de sang avec Sylvine ?

Le visage de Rohé s’est fait impassible, mais cette impassibilité même trahit l’impatience qu’il commence à éprouver et son souhait de retourner au plus vite dans son royaume, loin des supputations des lecteurs de Citara. Aussi répond-il plus sèchement que jusqu’alors.

— Le seul sang qui nous lie est celui que j’ai fait couler : celui de son père. Tant qu’elle n’aura pas vengé ce dernier, elle n’aura de cesse de m’affronter… C’est dommage, à nous deux nous aurions été invincibles…

Il hausse les épaules, fataliste.

Son interlocutrice enchaîne avec la question suivante :

— Vous avez dit à Sylvine « Je vous propose de sauver deux vies : la vôtre et celle de Dame Sopheline ». Pourquoi proposer de sauver deux femmes et celles-là en plus, alors que seules les femmes peuvent vous permettre de créer des Vicres ? N’auriez-vous pas tout intérêt à écarter Sylvine et ses pouvoirs ?

— Bien au contraire : Sylvine et ses pouvoirs auraient pu donner naissance à la Vicre la plus puissante que j’aurais jamais conçue. Mais je vous rassure sur ce point, ce n’est pas dans cette intention que j’ai fait cette offre. Quant à Dame Sopheline, elle est la femme la plus belle de Citara et j’aurais aimé lui offrir une place de choix parmi mes compagnes. Elle aurait été un atout supplémentaire à ma collection.

Si Connemara a envie de lui faire ravaler sa muflerie, elle n’en montre rien, insistant plutôt sur un sujet autour duquel il n’a pas donné de réponse :

— Pourquoi jugez-vous la quête de Sylvine inutile et quels sont vos arguments pour le lui prouver ?

Rohé se penche vers elle, les yeux rétrécis :

— Cela, je le lui dirai lorsque nous serons en tête à tête, elle et moi, et croyez bien que ce jour-là viendra plus vite que vous ne le pensez. J’arrive toujours à mes fins, vous savez.

Tandis qu’il se relève, signalant que l’entretien est désormais terminé, Connemara, un peu déçue de sa non-réponse croise le regard de l’autrice. Profitant de ce que son personnage a le dos tourné, celle-ci articule le mot « tome » sans le prononcer, tout en dessinant le chiffre quatre de ses doigts. Ravie d’avoir reçu une info que Rohé  ignore, Connemara ne réalise qu’après coup que cela signifie qu’elle-même n’aura pas sa réponse avant longtemps…

Tandis que la petite troupe sort de la pièce, Rohé s’est levé et approché de l’autrice. Il pose les deux bras sur les accoudoirs de son fauteuil et se penche vers elle. Ce qu’il lui dit, personne ne l’entend, mais la Créatrice rougit avant d’agiter vivement la main, le faisant disparaître aussitôt.

Elle quitte à son tour les lieux par une autre porte, se retenant de lever les yeux au ciel devant les derniers mots de Rohé. Mais elle ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire.

Celui-là, alors, quel personnage !

Voilà, j’attends avec impatience vos réactions dans les commentaires ci-dessous.

Je reviendrai ce week-end avec de nouveaux extraits et un nouveau point sur mes avancées (et peut-être une surprise supplémentaire…)

Article importé de mon ancien blog