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texte perdu

Cela fait un bon moment que je suis abonnée à la « Lettre du dimanche » d’Éric Galland, du site « Écrire un roman ». C’est un ami auteur qui me l’avait recommandée et je lui en suis très reconnaissante car j’y trouve, tous les dimanches, des remarques utiles, des questions qui me challengent, le tout livré avec un ton chaleureux et une ponctualité exemplaire.

Bref, si vous êtes auteur, je vous invite à faire comme moi et à vous inscrire !

En tout cas, il y a quinze jours, j’ai reçu une lettre qui m’a encore plus intéressée que d’habitude. Elle répond à la question posée en titre de cet article : que faire lorsqu’on a perdu son texte ?

 

Or, les conseils d’Éric n’ont pas du tout été ceux que j’attendais.

Bien sûr, il existe des choses à faire en amont (les disques durs externes, le Cloud, les logiciels qui enregistrent votre texte toutes les secondes, comme Scrivener) ou sur le coup (CTRL + Z, restauration du système, ou les manipulations évoquées plus bas).

On a tous, en effet, à un moment ou à un autre, perdu un texte auquel on tenait. Des phrases dont on s’est dit « elles étaient géniales, et maintenant elles sont perdues à jamais, je suis dégoûté(e) ».

Eh bien, j’ai adoré la réponse d’Éric à ce sujet, au point que je lui ai demandé l’autorisation de reproduire ci-dessous sa « lettre du dimanche ».

Avec son accord, la voici donc. J’espère qu’elle vous intéressera autant que moi.

Merci Éric ! ♥

PS : le jour où vous lirez ces lignes, je serai au super Salon Grésimaginaire, près de Grenoble, venez me voir si vous passez par là !

 

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Lettre du dimanche envoyée le 25 mars :

Yves m’écrit, affolé, et en appelle à mes « pouvoirs magiques ».

Quand il a voulu reprendre l’écriture de sa nouvelle, catastrophe ! son fichier a disparu de son ordinateur.

Cette volatilisation est particulièrement regrettable, car ce chapitre avait été compliqué à écrire…

Votre fichier est perdu : que faire ?

Je passerai vite sur toutes les manipulations informatiques, car je pense que ce n’est pas là l’essentiel.
Évidemment, si ça vous arrive, commencez par une recherche dans votre ordinateur par des termes précis qui ne peuvent pas se retrouver dans d’autres fichiers : le nom d’un lieu, d’un personnage, d’une expression…

Regardez également si votre ordinateur ne range pas automatiquement certains de vos fichiers sur un cloud (ça m’est arrivé, à mon insu…).

Vérifiez aussi tous les supports externes (disques durs, cartes mémoire…)

Vous pouvez aussi récupérer un fichier non sauvegardé en trouvant le fichier temporaire (extension : « .tmp »). Je sais que ça marche avec Word.
La manipulation n’exige pas de maîtriser le code informatique, mais demande de connaître un peu vos dossiers.
Il faut aller chercher là où le logiciel enregistre les fichiers temporaires (quelque chose comme C:\Documents and Settings\XXXXX\Application Data\Microsoft\Word… sinon faites une recherche de fichier *.tmp), de repérer le fichier grâce à la date et l’heure, de le copier dans votre dossier de travail et de changer l’extension « .tmp » en « .doc ».
Et le tour est joué.

Si vous travaillez en numérique, il est toujours temps de mettre en place un système de sauvegarde automatique. Vous économiserez beaucoup de tracas.

Certains logiciels en ligne comme GoogleDoc le font directement (et vous avez accès à l’historique des retouches).
Word aussi peut enregistrer sur le Cloud. C’est pratique si vous oubliez votre ordinateur en déplacement.

Impossible de récupérer votre fichier : que faire ?

Vous avez remué ciel et terre, mais rien à faire, il s’est égaré dans les méandres informatiques.
Tout n’est pas perdu.

Faites confiance à votre mémoire

Détendez-vous. Jetez sur papier tout ce dont vous vous souvenez, en vrac. Cela peut être des morceaux de structure, des détails narratifs… Videz-vous le cerveau jusqu’à racler le fond.
Et c’est là que les choses sérieuses commencent.

En effet, le premier mouvement est souvent de la colère ou de la tristesse.
« Tant de temps de perdu… C’était si bien tourné… »

Fermez les yeux et visualisez-vous en train d’écrire le passage perdu.
Si vous ne vous souvenez pas des mots, laissez-les.
Concentrez-vous sur ce que vous aimiez dans ce passage. Était-ce le style ? Un personnage bien croqué ? Une chute étonnante ? Revivez les émotions qui jouaient en vous.

Vous devriez vous souvenir de ces mouvements internes : satisfaction, plénitude, fierté, etc. Plongez dedans et enivrez-vous.
Puis réécrivez sans chercher à retrouver les mots exacts. Faites-vous confiance.
Vous l’avez fait une fois ? Vous pouvez faire mieux !

Et puis, les souvenirs sont parfois trompeurs. La perte embellit. Quand on retombe par hasard sur le texte en question, on est souvent déçu (regardez déjà ce qu’il se passe quand vous vous relisez…).
Cette expérience est finalement un appel à vous détacher de votre écriture et de vos mots.

Détachez-vous

En effet, c’est quelque chose qu’on oublie souvent : les mots employés ne sont pas l’essentiel dans l’écriture. Ils ne sont que vecteurs. Ils passent comme paille enflammée.

Finalement, cette expérience douloureuse est un bénéfice, un remède.

Quand on écrit, il est très difficile d’apprendre le détachement. Les mots s’accrochent à votre esprit, le grèvent comme des moules un navire. Déplacer la moindre virgule vous fatigue. Couper ? Une torture. Alors, une critique…

L’attachement à vos mots n’est qu’une lourde complaisance.
Débarrassez-vous-en avant de couler !
Sinon, comment voulez-vous progresser ?

Réécrire un passage perdu est l’occasion de lâcher-prise. De se rappeler que tout passe, que nous ne sommes ici qu’en exil.

Perdre une scène, voire un roman entier, n’est pas facile à accepter. Après un temps de deuil, vous pourrez le vivre comme une chance de vous recentrer sur l’essentiel.

La vertu d’art est jugement.

Elle est cette capacité à choisir la bonne structure, la bonne mise en scène, la bonne narration, le bon mot.

C’est elle qu’il faut perfectionner, car c’est ce qui vous reste quand vous laissez partir votre roman achevé.

La vertu est une disposition de l’esprit, une inclination qui dépasse la matière. Sa valeur dépasse tout ce que vous pourrez écrire dans votre vie entière.

Au boulot !

Eric