Suite aux remarques échangées avec ah-olstrya et Marc ou Net dans les commentaires* de cet article au sujet de la bêta-lecture, et comme ma réponse s’avérait extrêmement longue, j’ai décidé d’en faire un article. [*Edit : suite au transfert de mon  blog, tous les commentaires de mes précédents articles ont été perdus… 🙁 ]

En effet j’ai commencé à reprendre ma série sur l’écriture, mais je n’arrive pas à finir mon topo sur les « fiches » et comme la discussion commencée dans les commentaires porte sur un sujet qui me tient à cœur et qui figure dans ce sommaire sur l’écriture, j’en parle dès à présent.

J’ai déjà présenté le concept de la bêta-lecture dans cet article lié à mon expérience dans l’autoédition mais j’y reviens aujourd’hui dans un cadre plus général que la sortie d’Éclosia.

Par contre j’aime tellement le gif animé trouvé pour l’occasion que je le ressors sur cet article. 😉

La bêta-lecture

Difficile de trouver une définition de ce mot, qui n’existe pas encore dans les dictionnaires. Celle que j’ai préférée sur le net vient du site « etude.fanfiction.free.fr » [Lien obsolète] :

« Littéralement un correcteur, mot dérivant de « beta » qui désigne une version finalisée d’un logiciel, qui est proposé à des testeurs et de « reader » le lecteur. Personne qui corrige une histoire avant sa publication, donne un premier avis, fait des suggestions etc. »

Il est en effet indispensable de donner son texte à lire à des lecteurs-test avant de le publier. Parce que vous, l’auteur, êtes tellement dans votre histoire, vous la connaissez tellement bien que vous ne réalisez pas qu’il reste peut-être des « zones d’ombre » où le lecteur va se sentir perdu. Ce n’est pas grave si c’est volontaire (le lecteur se demande vaguement qui est cette Machine apparue au chapitre 3 mais vous ne dévoilez son importance qu’au chapitre 27 où elle surgit tout à coup pour faire basculer l’histoire) mais ça l’est plus si le lecteur se demande tout au long du livre « mais pourquoi Truc fait-il à ce point peur à ceux qu’il rencontre ? » parce que vous avez oublié de lui préciser ce qui vous semblait une évidence : c’est un zombie.

Donc la lecture via des bêta lecteurs est extrêmement utile pour l’auteur qui va pouvoir

  • s’apercevoir des informations indispensables à ajouter pour la bonne compréhension du texte
  • noter quelles scènes « fonctionnent », plaisent aux lecteurs
  • être informé des passages qui peuvent être source de frustration (par exemple l’auteur écrit « ils discutèrent longuement »… et le lecteur se dit qu’il aurait bien aimé savoir de quoi…)
  • réaliser qu’il a laissé des incohérences dans son histoire (par exemple un personnage a changé de nom au cours du récit… Cela m’est arrivé sur Éclosia, merci à Osha qui me l’a signalé !)

MAIS, car il y a un « mais », le choix des bêta-lecteurs est primordial.

  1. Ce doit être un lecteur qui aime ce genre d’histoires. Inutile de faire lire un ouvrage de fantasy à quelqu’un qui vous est proche mais qui n’aime que les policiers. Il va forcément vous faire un retour mitigé et cela va vous blesser et vous décevoir, sans vous être utile. Donc il faut trouver votre cible, s’interroger sur qui autour de vous lit ce style de récits.
  2. Ce doit être quelqu’un en qui vous avez confiance. Les plagiats et vols de manuscrits existent et le seul moyen de s’en prémunir c’est de ne pas diffuser ses brouillons à tort et à travers. Votre histoire est une histoire originale et doit le rester jusqu’à sa publication. Choisissez-donc bien à qui vous allez confier votre bébé, car même si vous « assurez » votre texte en le déposant quelque part ou en suivant l’une des multiples façons de protéger votre manuscrit, il vous sera bien difficile et désagréable de batailler pour prouver la paternité de votre texte, et parfois cela sera trop tard. Je conseille fortement l’impression du texte sous forme papier, bien moins « piratable » que les textes électroniques (même les pdf peuvent être copiés… collés). Ceci étant dit il faut aussi éviter la paranoïa et ne pas hésiter à diffuser des morceaux de son texte (ce que j’ai fait sur Citara et sur le forum de CoCyclics) car travailler dans une atmosphère de confiance est quand même bien plus productif.
  3. Ce doit être avant tout un lecteur. Et c’est là où ma position, toute personnelle, se démarque de celle d’autres auteurs.

La bêta-lecture

Lorsqu’on est lecteur, on prend l’histoire « telle quelle ». On fait preuve de ce que Coleridge a appelé « the willing suspension of disbelief » : on accepte, en ouvrant un livre, de croire en ce que l’on va nous raconter. Bien sûr que Harry Potter n’est pas un être vivant. Mais en ouvrant « Harry Potter à l’école des sorciers », on admet d’emblée son existence.

Lorsqu’on lit un texte en tant que bêta-lecteur, on sait que le livre n’est pas encore publié, qu’il est un peu à l’état de « diamant brut ». Mais on se laisse prendre par l’histoire… jusqu’à ce qu’on s’arrête dans notre lecture. Une interrogation, un malaise ? On le note dans la marge, puis on continue. Nos remarques sont de l’ordre du « Pourquoi ? », « Qui ? », « Où ? », « Que dit-il ? », « Je ne comprends pas qui fait quoi dans cette scène »

Mais pour moi, un auteur (même un auteur en puissance) va au-delà de ces questionnements et se pose plus de questions sur le « comment« , sur le style du texte. A mon avis, même avec des consignes très claires comme celles que l’on trouve sur CoCyclics (par exemple on ne doit pas réécrire le texte à la place de l’auteur), on lit tout de même avec ses « lunettes d’auteur« . Avec son propre style littéraire. Celui qui affectionne les dialogues va trouver une scène descriptive trop longue… et suggérer de la couper avec des dialogues. On va vous parler du fameux « show, don’t tell » (montrer que le personnage est en colère en lui faisant faire valdinguer une chaise, plutôt qu’en écrivant « il était très en colère ») sur des scènes où vous, l’auteur, ne voulez pas en mettre. Même si c’est plus efficace et moins lourd. On va vous dire « houlala, il y  a bien trop d’adverbes !! » Mais vous, vous aimez le rythme un peu lent et cadencé que cela donne à votre texte.

En tant qu’auteur, on va s’intéresser à l’architecture du texte, à son style, plus qu’un lecteur lambda ne le ferait. Forcément, car nous, nous savons tout ce qui se cache derrière une phrase, derrière une scène. Tous les enjeux qu’un lecteur ne discerne pas. Un peu comme les machinistes d’un théâtre, par rapport aux spectateurs de la pièce.

Je me suis aperçue que lorsqu’un auteur (moi y compris) faisait une bêta-lecture, il arrivait malheureusement que l’on coupe les ailes de l’auteur bêta-lu.

  • Soit parce que ce dernier était trop sensible. Il faut savoir que lorsque l’on donne un texte à lire, c’est comme si on présentait un nouveau-né à son entourage. Et parfois, contrairement à ce qui se passe quand les gens voient un bébé, les personnes à qui l’on montre « l’enfant » en question (notre texte) disent carrément « ouais, bof » ou « houlala, cette partie-là est vraiment à refaire ! » Même si les remarques sont justes, elles peuvent être dures à entendre.
  • Soit parce qu’il finit par douter de ce qu’il doit écrire. Car pour un bêta-lecteur auteur qui va vous dire qu’il faut que vous changiez votre formulation, il va s’en trouver un autre qui va l’a-do-rer… Du coup, lequel croire ?
  • Soit parce que le texte, une fois retravaillé (et parfois re-re-travaillé) ne correspond plus du tout à ce que vous vouliez écrire. Il est « meilleur » sur le plan technique, certes. Mais il a perdu « votre patte », diluée dans les multiples observations (pourtant souvent très bonnes !) que l’on vous a faites.

Voilà mes réflexions, qui bien sûr, n’engagent que moi. Beaucoup d’auteurs sur CoCy et d’excellents, fonctionnent très bien avec le système de bêta-lecture. Ils y trouvent une qualité de relecture non négligeable car le bêta-lecteur auteur a des compétences indéniables. Et l’estampille « passé en Cycle CoCyclics » a beaucoup de valeur auprès des éditeurs, ce qui est normal vu l’énorme travail fourni autour du récit.

Mais ça ne marche pas sur moi, je trouve que mon texte perd de son essence, devient trop lisse, trop parfait. Et je ne suis pas parfaite.

La bêta-lectureJe vais terminer avec un exemple sur Tolkien.

Je pense que si un ou des auteurs avaient bêta-lu son texte, ils lui auraient dit « non, sérieux, là, il faut que tu raccourcisses ton blabla interminable des 100 premières pages ». Je pense que le texte aurait gagné en efficacité et dynamisme.

Mais cela ne serait plus du Tolkien. ♥

Qu’en pensez-vous ?
Article importé depuis mon ancien blog

 

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