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Bonsoir à tous,

Le Salon du livre de Poitiers vient à peine de se terminer que je vous en parle déjà.

Pour le compte-rendu complet, il faudra attendre mercredi, je n’aurai pas le temps de le taper d’ici là. Mais d’ores et déjà, je voulais vous parler du recueil de nouvelles auquel j’ai participé, en marge du Salon.

Lors de la préparation de celui-ci en effet, l’organisatrice du Salon de Poitiers a approché les auteurs inscrits afin de savoir s’ils étaient intéressés pour participer à l’écriture de nouvelles sur le thème du rêve et destinées à des enfants. 50 % des bénéfices réalisés iraient à l’association “Make a wish – France” et des exemplaires seraient offerts à des enfants à l’hôpital de Poitiers.

J’ai trouvé et l’idée et le thème formidables et ai aussitôt dit oui à ce beau projet. ♥

Il a donc donné lieu à l’élaboration de ce recueil auquel 9 auteurs ont collaboré et dont voici la très belle couverture :

couverture Evasion

Vous pouvez commander votre exemplaire en cliquant sur l’image…

“Évasion” a eu beaucoup de succès au salon : j’en ai personnellement dédicacé une trentaine d’exemplaires. Je n’ai pas encore eu le temps de le découvrir en entier, mais jusque là j’ai vraiment aimé l’originalité des histoires que j’ai lues.

De cela, je suis bien sûr ravie.

Mais il y a une chose qui a nettement gâché le plaisir que j’avais éprouvé à participer à cette aventure : c’est qu’en ce qui concerne ma nouvelle, le texte qui figure dans le recueil… n’est pas le bon ! 🙁

J’avais envoyé deux versions : un premier jet et une version définitive… et c’est le premier jet qui figure dans le recueil.

J’ai donc décidé de mettre ce texte en libre accès ici pour que les acheteurs du recueil puissent lire la bonne version du texte. Du coup, vous allez pouvoir en profiter vous aussi, petits chanceux. 😉

Voilà, j’espère que mon histoire vous plaira, merci de me laisser un commentaire si c’est le cas.

Elle me tient à cœur car j’y aborde, tout d’abord sous l’angle de la fantasy, puis plus directement, le thème du harcèlement à l’école. Si ce thème vous touche, je vous conseille de vous rapprocher de Nicolas Bouvier, un auteur que j’ai rencontré au Salon du livre de Mazamet et qui en parle dans ses livres, ou de l’association “Les Parents“, qui combat le harcèlement scolaire.

 

Découvrez ma nouvelle en cliquant sur le “+” ci-dessous, pour le lire en ligne.

Dans tes rêves !

DANS TES RÊVES !

 

de Nathalie Bagadey

D’un pas décidé, la toute jeune reine de la Cour fit son entrée dans la salle du Conseil. D’un geste, elle indiqua à ses conseillers de se relever, tandis qu’elle retirait le manteau magique qui lui avait permis de rejoindre son royaume, comme tous les soirs.

— Désolée, mes amis, j’ai été retenue. Alors, quelle est la situation ? Ursulin ?

Son plus vaillant chevalier, un homme couturé de cicatrices, aux cheveux bruns drus et à la taille imposante, s’avança vers la grande table où les cartes du royaume avaient été déployées. Sa démarche un peu pataude trompait souvent l’adversaire, qui le pensait plus maladroit qu’il ne l’était. Dans les combats, il se révélait extrêmement rapide et agile, à l’image de son compagnon à quatre pattes : un énorme ours brun, du nom de Littlebrownbear.

— Reine Vinnie, l’Archipeste a encore frappé, vous vous en doutez. Avec ses troupes de femmes-serpents, elle s’est emparée de deux places fortes. L’une est peu importante pour nous, malgré sa taille et son dynamisme : il s’agit de la ville de Môde, où nous n’avons pas beaucoup d’intérêts. Par contre, celle de Rümheure a été prise d’assaut par traîtrise et nous déplorons de nombreuses pertes là-bas. En outre, nous craignons que si le monstre consolide sa mainmise sur ce lieu stratégique, les autres cités alentour ne passent à leur tour à l’ennemi.

Les sourcils froncés, la reine Vinnie inspecta avec attention les cartes étalées sous ses yeux. Elle se retint de mordiller ses lèvres en un geste soucieux. Depuis qu’elle avait été nommée reine de la Cour, elle se devait de montrer le bon exemple à ses troupes. Elle tourna donc vers eux un front serein. Ses cheveux bruns aux reflets dorés étaient torsadés et ramenés élégamment sous sa couronne d’argent, mais elle ne portait pas de robe d’apparat ; avant même son apparition ce soir-là au royaume, elle avait su qu’il lui faudrait passer rapidement à l’action. Elle y était donc arrivée vêtue de son armure de combat : un corset blanc et un pantalon noir, tous les deux en poils de mouton sauteur, une matière à la fois souple et extrêmement protectrice. À sa taille pendaient une ribambelle de dagues aiguisées, qu’elle n’avait appris que récemment à maîtriser mais en lesquelles elle devenait progressivement experte. Ses yeux dorés cherchèrent ceux de son assistance, les galvanisant par leur intensité :

— Mes amis, il est impossible de laisser Rümheure à l’Archipeste, il nous faut absolument agir dès cette nuit. Telle que nous la connaissons, elle s’attend certainement à ce que nous intervenions avant tout à Môde : c’est sûrement la prise la plus importante pour elle. Je présume qu’elle et ses troupes nous ont préparé un comité d’accueil là-bas. Fée Sage, votre avis ?

 

À son tour, la fée de la Cour s’avança vers la table. Elle était toute petite, mais son allure en imposait à tous ; son prénom lui avait été donné après la cérémonie d’initiation, car elle était la sagesse incarnée, la représentante des bonnes décisions à la Cour ; son avis était donc extrêmement précieux. Ses cheveux blancs dénoués frôlèrent la carte tandis qu’elle désignait du doigt un point particulier :

— Là. C’est ici que vous devrez frapper, près de la rivière d’Azurance. Si vous arrivez à endiguer le flot d’immondices qu’elle a déversées dans la ville de Rümheure pour la souiller et s’en emparer, celle-ci vous reviendra. Et je pense qu’une fois que Rümheure vous sera à nouveau acquise, vous ne devriez pas négliger Môde. Rien : il ne faut rien laisser à l’Archipeste. Ce sera uniquement de cette façon que nous arriverons à nous débarrasser d’elle. Déjà, je la sens qui faiblit ; la violence même de ses attaques montre à quel point elle se comporte de façon presque désespérée. Je suis convaincue que si nous lui opposons suffisamment de résistance, elle finira par quitter notre territoire.

— Bien. Nous agirons donc ainsi. Faites préparer les troupes, il est temps de nous rendre sur place.

 

Lesdites troupes ne furent pas longues à assembler. Le royaume de la Cour était aussi petit que ses souverains étaient traditionnellement jeunes et les renforts dont la reine Vinnie pouvait disposer finalement peu nombreux. Avant de lancer le départ, elle les inspecta rapidement : il y avait Ursulin, bien sûr, toujours en première ligne, avec l’impressionnant Littlebrownbear à ses côtés. Vinnie savait à quel point l’ours était pacifique en temps normal, mais que l’on touchât à un cheveu de son maître et Littlebrownbear se transformait en un monstre sanguinaire, aux dents et aux griffes létales. Elle était soulagée qu’il figurât à leurs côtés.

Sa propre monture, Croc-de-feu, s’agitait, pleine d’impatience. D’un blanc étincelant et peu commun, le dragon était son arme la plus puissante, capable d’anéantir de nombreux ennemis en un seul jet de flammes. Ce soir-là, la bête mythique avait hâte d’aller en découdre avec l’adversaire et elle lui flatta machinalement l’encolure pour le faire patienter avant le départ. Le seul souci, avec Croc-de-feu, était son caractère indépendant : il n’était pas rare qu’il lui prît l’envie de s’éclipser sans l’avertir ; elle ne pouvait pas toujours compter sur lui. Mais il s’agissait d’une créature éprise de liberté, elle le savait bien, et elle appréciait chacun des instants qu’il daignait lui consacrer.

Les soldats n’étaient qu’une dizaine, mais tous des vétérans expérimentés. Cela faisait des années qu’ils combattaient des monstres comme l’Archipeste et qu’importait le souverain régnant, ils lui prêtaient toujours assistance, parfois avec maladresse mais toujours fidèles au poste. Enfin, en deuxième ligne, une armée de nains s’affairait. Elle les contempla avec affection : si leur petite taille ne faisait pas d’eux ses meilleurs combattants, ils étaient toutefois emplis d’un courage hors norme et s’avéraient de formidables guérisseurs.

La fée Sage faisait également partie de la troupe bien que n’intervenant qu’en arrière-plan, en conseillant Vinnie sur les tactiques à adopter au fur et à mesure des batailles. Elle craignait la lumière du jour et s’évanouissait dans les airs lorsque le soleil apparaissait. Heureusement qu’au royaume de la Cour, les attaques avaient lieu de nuit.

 

La reine Vinnie baissa fermement la visière de bronze qui lui permettait de protéger ses yeux une fois en vol et lança un dernier encouragement à ses troupes :

— Mes amis, à nouveau je vous demande de marcher à mes côtés pour débarrasser la Cour de l’infâme Archipeste… Soyez braves, soyez forts, car j’ai bon espoir que cette fois-ci nous arriverons à nous en défaire complètement !

 

Sous les vivats de son armée, Vinnie lança alors Croc-de-feu en avant. Les autres les suivaient au sol. Elle prit son habituelle allure de croisière, seule dans le ciel avec son dragon, éprouvant comme à chaque fois l’appréhension de l’avant-combat. Mais elle n’avait qu’à baisser les yeux pour se sentir réconfortée : sous elle, un long ruban de torches scintillait, signalant l’avancée de ses soutiens.

L’allure était rapide et les distances courtes, à la Cour. Ils arrivèrent donc bien vite en vue de l’Azurance. Le cœur de Vinnie se serra de contempler sa belle rivière salie par les immondices que l’Archipeste avait jetées dedans, afin de polluer Rümheure et de la faire capituler. Lentement, elle descendit du dragon et se tint immobile à côté de lui.

Elle savait qu’il n’y avait qu’elle qui pût venir à bout des détritus accumulés et elle se recueillit un instant, s’apprêtant à conjurer son pouvoir unique. C’était grâce à celui-ci qu’elle avait pu devenir la reine de ce pays depuis peu. Mais il lui demandait énormément d’énergie et elle appréhendait toujours ce moment : « et si cela ne marchait pas ? »

Devinant ses craintes, Croc-de-feu lui décocha une bourrade d’encouragement qui eut pour effet de la propulser quelques pas en avant. Secouant la tête devant la maladresse du dragon qui ne sentait pas sa force, mais reconnaissante de lui avoir chassé ses idées noires, elle s’avança sur le promontoire, juste au-dessus de l’eau charriant ses déchets. L’odeur fétide envahit ses narines et lui donna un haut-le-cœur, mais elle ne recula pas. Lentement, ses bras se levèrent et s’écartèrent de son corps, paumes tendues vers le ciel, de même que son visage, tandis qu’elle appelait ses deux anges-gardiens à son aide : « Mourhu et Rajkou, venez à moi, je vous en conjure ! »

 

Son visage sembla s’illuminer de l’intérieur tandis que deux personnages ailés faisaient leur apparition à ses côtés : l’un était petit, la figure ronde et facétieuse. Il était vêtu d’un assortiment d’habits improbables : des chaussettes de couleurs dépareillées, l’une jaune et l’autre rouge, des lunettes vertes en forme de cœur, une tunique beige sur laquelle il avait inscrit en lettres maladroites « À bas, les trolls ! » portée sur des braies rayées qui accentuaient son embonpoint. Ses yeux bleus pétillaient d’intelligence et les rides d’expression autour de ceux-ci indiquaient qu’il était habitué à sourire continuellement. L’autre ange était très différent : c’était un personnage féminin entièrement revêtu d’une armure blanche et brandissant un glaive étincelant. Ses longs cheveux dorés étaient retenus par un ruban sur la nuque et un bandeau lui ceignait le front. Elle paraissait impassible et forte, la plus puissante des guerrières.

Devant l’assistance qui retenait son souffle, admirative, et tandis que Vinnie, toujours les bras levés, poursuivait ses incantations, les deux gardiens s’attaquèrent au nettoyage de l’Azurance. Mourhu, l’être clownesque, s’occupait des plus petits objets : d’un geste, il les transformait en plantes ou créatures aquatiques, en fonction de leur forme de base. Rajkou, elle, pourfendait sans faillir les plus gros et dès que ceux-ci étaient éventrés par la lame, ils explosaient en mille gouttelettes d’eau pure.

Au bout d’un long moment, et alors que les bras de la reine de la Cour commençaient à trembler sous l’effort que demandait la conjuration des deux anges, la rivière reprit sa limpidité coutumière. Il ne restait plus que quelques menus objets pour flotter à la surface de l’eau mais on sentait qu’ils n’allaient pas tarder à disparaître d’eux-mêmes ; ils étaient devenus presque transparents et tout au moins inoffensifs pour la population de Rümheure.

Épuisée, Vinnie rompit alors l’enchantement. Mourhu et Rajkou s’évanouirent comme ils étaient venus et reprirent leur place dans son cœur. Ces deux-là ne la quittaient jamais. C’était grâce à la magie qui émanait du Royaume de la Cour qu’elle avait pris conscience de leurs pouvoirs et qu’elle avait réussi à les invoquer. Elle s’accorda quelques instants de repos avant la phase suivante. D’ordinaire, les murailles qui leur faisaient face n’existaient pas : elles avaient été érigées par les forces de l’Archipeste. Les femmes à tête de serpent qui composaient l’armée de cette dernière les attendaient sûrement derrière. Malgré leur apparence repoussante – la peau couverte d’écailles et le visage reptilien – elles étaient de piètres adversaires au corps-à-corps : si sous arriviez à dégainer avant elles, vous étiez assuré de remporter le combat. Mais il fallait éviter leurs morsures, car le poison qui s’infiltrait alors dans votre sang pouvait s’avérer extrêmement dangereux, voire mortel.

Après avoir conféré une dernière fois avec ses conseillers, la jeune reine se sentit enfin prête pour ordonner l’assaut. Toute son armée s’élança à sa suite, enthousiaste, prête à en découdre avec l’ennemi. Ursulin fut le premier au contact des créatures qui s’étaient massées aux créneaux pendant le nettoyage de l’Azurance : il en abattit trois d’un coup de poing bien senti. Littelbrownbear, quant à lui, dont la peau ne craignait pas les attaques, attendit d’en avoir plusieurs accrochées à sa fourrure, avant de s’ébrouer avec force, projetant ses assaillantes sur le sol, d’où elles ne se relevèrent pas. Vinnie survola tout d’abord le champ de bataille en lançant ses dagues chaque fois qu’une femme-serpent allait mordre l’une de ses unités au sol, puis elle posa pied-à-terre et se joignit à l’assaut final. Bientôt, ils eurent le dessus : les survivantes préférèrent alors s’enfuir plutôt que de continuer à se battre. Il fallait dire qu’elles étaient finalement peu nombreuses, l’Archipeste ayant, ainsi que l’avait pensé la jeune reine, préféré regrouper l’essentiel de ses forces dans la ville de Môde.

Les habitants de Rümheure, comme à leur habitude, manifestèrent bruyamment leur joie d’avoir été « libérés de l’oppresseur ». Mais la reine de la Cour connaissait ses sujets : ce n’était pas la première fois qu’un ennemi avait facilement fait capituler la ville et elle savait bien qu’ils risquaient de retomber dans leurs travers dès qu’elle aurait le dos tourné.

Elle haussa les épaules : sa mission n’était pas de sauver chacun de ses sujets de lui-même et de ses défauts, mais de débarrasser le pays de l’Archipeste.

Aussi, avec un soupir intérieur, car elle n’aurait rien souhaité de plus que de se reposer, ordonna-t-elle à son armée de prendre la direction de Môde.

 

Des bruits de musique et de fête les accueillirent alors qu’ils se rapprochaient de la ville. Vinnie n’avait jamais vraiment apprécié cette cité. Elle était de nature à préférer un bon entraînement au combat avec Ursulin, ou à se promener avec Croc-de-Feu, plutôt qu’à s’intéresser à son apparence, ainsi que le dictait le règlement de Môde.

« Tout être faisant une faute de goût dans sa tenue sera expulsé de la ville, a minima le temps que la faute soit réparée. Une récidive entraînera automatiquement une expulsion plus longue. Le bannissement est envisagé lorsque plus de dix citoyens auront été blessés par les manquements de l’un des habitants au code déontologique établi par la Fâ Shion. » La Fâ Shion était le titre donné à la mairesse de Môde. Or Vinnie soupçonnait que l’actuelle dirigeante de la ville était en fait depuis longtemps acquise à l’Archipeste. Elle soupira. Elle n’aimait pas cela, mais si elle remportait la bataille, elle devrait également changer la Fâ Shion à la tête de la ville et en imposer une de son choix.

 

La fée Sage se présenta à ce moment-là sous la tente de commandement. Elle venait d’achever une séance méditative et elle était prête à apporter un ultime conseil à l’assemblée réunie autour de Vinnie.

— Je pense qu’il faut envoyer un émissaire à l’Archipeste, pour demander une négociation.

— Une négociation ! s’insurgèrent unanimement tous ceux présents.

— Mais c’est idiot, renchérit Ursulin, on a un avantage stratégique considérable !

— Nous, nous en avons conscience, mais l’Archipeste l’ignore. En lui faisant croire que nous nous présentons en infériorité, nous pourrions flatter son ego et nous savons tous à quel point celui-ci est démesuré…

Tout le monde opina du chef.

— … ce qui nous permettra de préparer le piège dans lequel nous l’attirerons, conclut la fée.

Vinnie sentit une sueur froide l’envahir. Cela voulait dire qu’il lui faudrait affronter la créature seule à seule, le temps que Sage mit son plan à exécution…

— Je ne sais pas si je pourrai la retenir suffisamment longtemps pour tout ce que vous avez à faire.

Ursulin posa une lourde main sur son épaule, l’assurant de sa confiance envers elle.

— Bien sûr que vous y arriverez, Majesté !

Il se proposa d’ailleurs pour être le messager, mais elle refusa. La dernière fois qu’elle l’avait chargé d’une mission de ce genre, il y avait gagné une énième cicatrice qui avait failli le défigurer. Aussi préféra-t-elle écrire une missive sur un parchemin et faire lâcher celle-ci dans l’enceinte par Croc-de-Feu.

Elle ne savait pas si son ennemie se laisserait convaincre, mais pensait que Sage avait raison : l’Archipeste aurait certainement du mal à résister à une telle opportunité d’humilier son adversaire.

Elle soupira. Une énième bataille avec sa rivale ne la réjouissait guère. La créature était fourbe et ses armes tranchantes lui avaient plus d’une fois causé des blessures qui s’étaient infectées. Seuls les soins experts de sa mère, qui avait des dons de guérisseuse, avaient permis à Vinnie de se relever après certains combats perdus. La Guérisseuse avait été essentielle dans l’accession au trône de Vinnie : elle l’avait encouragée à y croire et avait même pris place à ses côtés lors d’une bataille précédente. Mais la place d’une Guérisseuse n’était pas en première ligne, Vinnie le savait bien, et c’était pour cela qu’elle s’apprêtait à livrer ce nouveau combat sans lui avoir demandé son aide. Toutefois, elle avait beau savoir où était son devoir, cela ne l’empêchait pas d’être étreinte par la peur au moment de faire face au monstre.

Elle prit de profondes respirations pour calmer les battements précipités de son cœur et contrôler l’habituel sentiment de panique qui la saisissait toujours avant les combats. Le but n’était pas de faire face à l’ennemi sans aucune crainte. Il était normal d’avoir peur, surtout face à une telle haine. Le but, c’était d’affronter ses terreurs et de ne pas se laisser abattre par elles. Car lorsqu’on y réfléchissait bien, la peur n’était pas produite par l’adversaire mais par la victime. Vinnie se concentra donc sur l’objectif à atteindre, sur les raisons pour lesquelles elle devait vaincre l’Archipeste. Cela l’aiderait, au cours du combat, à voir plus loin que les attaques qu’elle subirait et à envisager la victoire.

 

Dans un roulement sourd, les portes de Môde s’ouvrirent lentement devant elle. Elle s’était postée, seule, directement face aux ouvertures. Derrière elle, ses troupes s’étalaient en rangs clairsemés, Ursulin, Littlebrownbear, Croc-de-feu et Sage en première ligne. Elle savait qu’ils apparaissent ainsi être en infériorité numérique et que cela allait pousser l’Archipeste à l’attaque.

L’infâme créature, en effet, ne tarda pas à sortir.

Comme toujours, Vinnie eut un frisson en la voyant s’avancer. Il s’agissait d’une immense araignée noire et velue, aussi haute qu’elle et bien plus large. Rien que sa démarche saccadée était une horreur à regarder. Mais ce n’était rien en regard des quatre yeux sur le devant de la tête, qui fixaient Vinnie comme si elle était une proie dont elle n’allait faire qu’une bouchée.

Elle ne savait pas pourquoi l’Archipeste l’avait choisie, elle, comme ennemie personnelle et avait tenu à investir son royaume. Elle se doutait qu’elle voulait quelque chose, mais jusqu’à présent personne, pas même Sage, n’avait trouvé quel trésor elle convoitait ni le but qu’elle poursuivait.

Derrière la créature, une foule bigarrée s’était assemblée. Les femmes-serpent se confondaient avec les habitants. Leur engagement n’avait pas été requis pour ce qui s’annonçait comme un duel entre les deux adversaires. Certains habitants allèrent jusqu’à monter sur les créneaux pour mieux admirer le spectacle.

Vinnie attendait que son adversaire la rejoignît, le cœur battant. Bien sûr, l’immense araignée n’avait pas peur, elle. À cet instant, une réflexion parvint à son esprit. C’était la fée qui la lui avait soufflée.

Tout le monde a peur de quelque chose. Trouve sa faille.

Mais déjà, sans préambule, l’une des mandibules acérées se tendit vers elle : le combat commençait.

Une dague fermement serrée dans chaque main, Vinnie pivota sur le côté, esquivant les attaques menées contre elle. Ce n’était pas la première fois qu’elles combattaient l’une contre l’autre et elle savait que ce qui jouait en sa faveur, c’étaient ses mouvements latéraux souples et sa vitesse de réaction. Elle évitait donc les jets de soie gluants, les pinces tranchantes, le contact des pattes urticantes, tout en essayant de viser l’abdomen, là où l’animal était censé être le plus fragile. Mais cela ne semblait avoir aucun effet et elle sentit que petit à petit la bête prenait le dessus dans leurs échanges. Puis Vinnie dérapa sur une pierre glissante d’humidité, tombant à la renverse. Avant que l’Archipeste ne pût bondir sur elle pour l’achever, elle avait invoqué ses deux anges gardiens à la rescousse. Mourhu fit diversion, tandis que Rajkou dressait son épée devant Vinnie, le temps qu’elle se redressât. Avec ses deux sauveurs à ses côtés, elle se sentit plus forte. D’autant qu’elle avait vu les globes oculaires de l’araignée papillonner constamment de l’un à l’autre, révélant une faiblesse : les yeux, il fallait viser les yeux. Deux lancers de dague plus tard, il n’en restait plus que deux.

L’immense arachnide émit un son strident, qui vrilla les tympans de Vinnie. Ce n’était pas un cri d’attaque, loin de là. D’ailleurs la créature se recula précipitamment, mal assurée sur ses pattes, tandis que les pupilles perforées avaient perdu toute vie et laissaient couler un liquide noir.

Déstabilisée, l’Archipeste semblait prête à prendre la fuite. Mais Vinnie savait que ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne revint. Il fallait lui donner définitivement envie de partir. À cet instant, Sage lui confirma mentalement que leur plan était prêt.

— J’ai une offre à vous faire, lança-t-elle à la bête blessée.

Suspicieuse, celle-ci la regardait. Malgré le fait qu’elle était en train de perdre le combat, elle avait toujours eu tendance à sous-estimer son adversaire et Vinnie comptait bien profiter de cette faille. L’Archipeste avait beau maîtriser les techniques de combat, elle n’était pas forcément toujours très futée…

— Les sujets de la Cour ont pensé qu’il serait bien que vous appreniez à mieux connaître ce monde que vous voulez envahir. Aussi ont-ils décidé de vous permettre de vous rendre dans la région des nains, où vous bénéficierez d’une amnistie et où vous pourrez panser vos blessures.

Pour conclure son discours, elle désigna les petits êtres, qui s’étaient entre-temps rapprochés du lieu de l’échange. Ces derniers sautillent gaiement sur place, ce qui signifiait selon leur coutume qu’ils étaient volontaires pour cette mission.

 

L’Archipeste sembla complètement désorientée et ses mandibules cliquetèrent à toute allure, signe qu’elle était en plein trouble.

Vinnie sentit que c’était là que le véritable combat se gagnait ou se perdait. Là, sous les yeux des habitants de Môde mais aussi des sujets de la Cour qui, petit à petit, étaient venus assister aux événements. Même si ces derniers n’avaient pas nommément pris fait et cause pour la reine, leur présence semblait faire pencher la balance de son côté.

L’Archipeste resta un long moment indécise, puis recula encore. Manifestement, elle n’avait aucune envie de rejoindre la troupe des nains qui faisaient pourtant un raffut de tous les diables en l’appelant et en sautillant à qui mieux mieux. Lentement, elle continua sa marche arrière, non pas en direction des portes de la ville, mais vers l’est, là où se trouvait la frontière du royaume.

Et Vinnie comprit qu’elle avait gagné. Certes, l’Archipeste n’était pas encore définitivement partie : il fallait du temps à ce genre de créature pour admettre une défaite. Mais, pour la première fois, elle avait reculé. Par ce geste, elle avait clairement montré qu’elle n’était plus intéressée par la conquête du Royaume de la Cour : la stratégie de Sage avait fonctionné. Un envahisseur comme l’Archipeste prenait essentiellement plaisir à voir souffrir ses victimes ; elle ne voulait pas d’un pays qui s’offrait à elle.

La reine de la Cour se retourna et adressa un clin d’œil complice aux nains qui l’avaient soutenue, jusqu’à accepter d’aller au bout de ce plan tordu. Son cœur se réchauffa de les voir si solidaires. Ils avaient beau être petits, leur aide lui avait été infiniment précieuse. Mais elle ne put empêcher une grimace de naître sur son visage lorsqu’Ursulin, tout protocole oublié, la prit dans ses bras avec enthousiasme.

— Hé ! râla ce dernier lorsque la fée Sage le bouscula.

— Arrêtez d’appuyer sur son épaule aussi fort, gros nigaud, vous ne voyez pas qu’elle est blessée ? bougonna la dame aux cheveux blancs.

Cependant, la reine intima aussitôt à celle-ci l’ordre de se taire, lui adressant dans le même temps un regard d’avertissement :

— Pas maintenant…

Si l’Archipeste avait, ne serait-ce que l’espoir d’avoir affaibli son adversaire, elle reviendrait, elle le savait. Ces créatures se nourrissaient de la peur et de la souffrance qu’elles faisaient naître chez les autres. Il était hors de question de lui donner satisfaction.

 

— Majesté…

Une voix hésitante se fit entendre.

Vinnie se retourna. Une jeune femme blonde, au visage aussi inexpressif qu’une poupée, les cils exagérément recourbés, la bouche peinte de rose brillant, se tenait devant elle. Elle avait l’air terriblement embarrassée et se tordait les mains, aux doigts sertis de bagues représentant des araignées. Sa tunique rose bonbon, de la même couleur que ses yeux, était barrée d’une grosse araignée noire et velue et son pantalon de velours rappelait les pattes poilues de l’animal. Elle était juchée sur des talons vertigineux. Vinnie eut envie de rire devant son apparence mais resta stoïque. Elle n’appréciait pas cette Fâ Shion, elle ne l’avait jamais aimée. C’était le moment de le lui dire et d’en désigner une autre.

— Fâ Shion, vous vous êtes choisi un bien triste modèle. Je pense qu’il est temps de prendre votre retraite et de nommer une autre dirigeante pour Môde.

La jeune femme à qui elle s’était adressée écarquilla de grands yeux… avant de fondre en larmes. Bien sûr, maintenant que l’Archipeste avait été vaincue devant tout le royaume, sa tenue faisait un peu « has been »… Mais jamais personne ne lui avait parlé aussi méchamment auparavant. Elle ne méritait pas un tel traitement ! Et quelle horreur de lui parler de… de retraite !

La reine de la Cour la contempla froidement. Les multiples entailles et coups qu’elle-même avait reçus dans la bataille commençaient à se faire douloureusement sentir et il lui tardait de pouvoir prendre un bain pour retrouver une apparence plus humaine et détendre ses muscles endoloris. Son interlocutrice, elle, n’avait pas un cheveu qui dépassait de sa queue-de-cheval et n’avait rien fait de plus difficile dans sa vie que de se limer les ongles.

Sans hésiter, Vinnie héla l’une des citoyennes de Môde, qui était restée en retrait. Celle-ci avait de longs cheveux auburn et bouclés, retenus par un assemblage de bouts de ficelle et d’un crayon de bois qui laissait échapper des mèches autour d’elle et lui seyait au visage. La reine sourit à la jeune femme et lui fait signe d’avancer. Ses vêtements étaient simples et de couleurs sobres, mais issus de matières naturelles. C’était pour cela qu’elle l’avait choisie : il était temps que Môde renouât avec une époque plus authentique.

— Citoyens de Môde, j’appelle à de nouvelles élections concernant votre mairesse. Sachez que ma voix ira à cette jeune femme. J’espère que vous ferez le bon choix.

 

Puis, sous les vivats de la foule, qui commençait déjà à prendre d’assaut la nouvelle venue, elle s’apprêta à rentrer chez elle. Après avoir signalé à Croc-de-Feu qu’elle n’était pas en état de le monter, elle prit la direction du palais, en s’efforçant de ne pas boiter. Avant de quitter la colline qui surplombait Môde, elle tint à se retourner et à contempler la silhouette de l’Archipeste qui s’éloignait lentement dans le lointain. Elle pensait bien que cette fois-ci, elle en était venue à bout et avait débarrassé la Cour de sa présence. Mais quelles contrées la créature allait-elle maintenant envahir ?

— Ce n’est pas votre combat, Majesté, l’assura la fée, qui avait compris son malaise. Espérons que là où elle se rendra il y aura des Chevaliers, ou des nains comme les nôtres, qui prendront la défense des assiégés. Ainsi, petit à petit, à force d’être rejetée et ignorée par tous, elle finira par se dessécher et mourir d’elle-même ou, qui sait, par muter et se débarrasser de sa condition de créature maudite. Cela s’est déjà vu, vous savez.

Vinnie hocha la tête. Elle savait que Sage avait raison mais était triste pour tous ceux qui allaient croiser la route de l’Archipeste.

— En attendant, c’est de vous qu’il faut s’occuper, maintenant, l’admonesta sa conseillère, une fois qu’ils furent hors de la vue de Môde. Fermez les yeux et dormez. Dormez pour reprendre des forces… Dormez…

 

 

***

— Ma chérie ? C’est l’heure, il faut te lever…

Un baiser envoyé de la porte, l’odeur d’un parfum léger et je suis à nouveau seule dans ma chambre pour m’éveiller à mon rythme. Elle est cool pour ça, ma mère, elle sait quand j’ai besoin d’être tranquille. Je me pelotonne encore un instant sous le chaud manteau de ma couette, profitant des quelques secondes de répit qui me sont accordées. J’ai toujours du mal au lever, je me plais trop au pays des rêves. Mais ce matin, maman est là et ça, ça vaut la peine d’affronter la journée qui s’annonce.

Après un dernier bâillement, je rejette les draps au loin et me dirige vers la salle de bains.

Bien sûr, je soupire en voyant les dégâts que ma nuit agitée a causés dans ma chevelure de rock star, puis je me mets au travail. Pas question de me laisser aller aujourd’hui, je veux être aussi belle que possible. Enfin, potable, quoi. Et pas question de laisser les doutes s’emparer de moi. Je m’asperge le visage d’eau froide pour achever de me réveiller.

Habilement, mes doigts recréent la coiffure que j’ai vue en rêve. Bon, c’est moins seyant que sur la fille en question, mais c’est pas moche non plus. Puis, je retourne dans ma chambre et considère les vêtements que j’avais prévu de mettre. Oui, ça peut le faire. Je passe un jeans noir et le pull crème, fluide et chaud à la fois, que ma mère m’a ramené de voyage. Il vient d’Australie, sa laine cotonneuse issue des nombreux moutons qui y sont élevés. Il a le long col boule qui est à la mode actuellement, j’ai kiffé dès que je l’ai vu. C’est idiot, mais ainsi habillée, je me sens plus forte, comme protégée par la douceur de l’habit, tout comme par l’amour de celle qui me l’a offert.

— Bonjour maman !

— Bonjour, ma chérie, alors, tu as bien dormi ?

 

Ma mère, elle, n’est pas habillée : elle va retourner se coucher dès que je serai en route pour le collège. Le décalage horaire avec l’Australie, ça tue.

N’empêche, je suis contente qu’elle se soit levée pour être avec moi pendant que je prends mon petit-déjeuner. Le plus souvent je suis toute seule et c’est un peu glauque, parfois. Surtout quand j’ai pas le moral. Et ces derniers temps, c’était souvent. Bref.

Je me sers mon jus d’orange pendant qu’elle tourne, le regard un peu fixe, sa cuillère dans son café. J’ai envie de sourire devant l’effort qu’elle fait pour ne pas piquer du nez dedans. En passant derrière elle, je lui fais un câlin comme elle les aime et comme je n’en fais pas tous les jours. C’est vrai, quoi, je suis en train de devenir une guerrière, alors faire des mamours toutes les cinq minutes c’est pas bon pour mon mental.

— Et tes soucis à l’école, ça s’est arrangé ?

— Au collège, maman, je suis au collège maintenant.

— Eh oui, tu n’es plus ma petite fille, je sais bien. Tu vas me dépasser dans pas longtemps à ce rythme, soupire-t-elle.

Je me rengorge malgré moi. C’est vrai que j’ai fait une sacrée poussée de croissance récemment. C’était pas particulièrement agréable : j’avais tout le temps mal aux jambes et aux genoux, parfois j’avais une pêche d’enfer et l’instant d’après, je me sentais la fille la plus nulle du monde, mais ça commence à se calmer tout ça. Je me sens plus sûre de moi, et ça fait du bien. J’avale mes céréales et ma banane avec plus d’entrain que je ne l’aurais cru.

— Bon, je dois y aller, j’ai interro aujourd’hui.

— Tu n’as pas répondu à ma question.

 

À mon tour de pousser un soupir. Ma mère est le plus souvent super cool. Faut dire qu’étant à la fois divorcée et hôtesse de l’air, il a fallu qu’elle gère. Qu’on gère toutes les deux. Mais maintenant, on a pris une bonne vitesse de croisière. Elle me laisse souvent seule, du coup, elle est obligée, mais on fait plein de trucs ensemble quand elle est là : on regarde des vidéos affalées sur le canapé en mangeant du pop-corn micro-ondé ; parfois pour lui faire plaisir c’est moi qui improvise pour le repas, bref, c’est sympa notre vie quand elle est là. Quand elle n’est pas là, ça se passe bien aussi : y a la voisine du dessous qui vérifie que tout va bien, et ma mère m’appelle quinze mille fois à l’arrivée de son vol. Comme je suis plutôt indépendante comme fille, et que j’aime être seule, ça me va.

Mais elle a un truc qui m’agace prodigieusement : elle devine tout. Il n’y a rien que je puisse lui cacher, rien. Elle tombe systématiquement dessus, elle doit avoir un don. Et bon, là, c’est clair qu’elle sait qu’au collège, c’est pas toujours la joie en ce moment et elle me lâchera pas tant que je ne lui aurai pas dit que tout va bien. Le hic c’est que si je lui dis que tout va bien, elle va tout de suite voir que c’est pas vrai et là, c’est mort, elle va vouloir des détails. Or, mon plan de la conquête du monde n’a pas prévu ça au programme du matin.

— Écoute, c’est pas « Paradise island », mais ça va, j’arrive à gérer. Par contre, j’aimerais éviter de commencer ma journée avec un billet de retard de la vie scolaire.

— D’accord… mais tu me diras tout en rentrant, OK ? J’espère que mon intervention auprès de l’administration aura servi à quelque chose au moins.

— Mais oui, il n’y a plus eu de problème depuis.

— Tant mieux, je suis rassurée. Bonne journée et réussis bien ton contrôle de maths !

 

Je mets ma veste et m’équipe du sac à dos où j’ai placé le strict nécessaire ; malgré cela, on dirait que je pars faire l’Everest pour dix jours, tellement il est lourd, avec tout ce qu’on nous demande d’emporter dedans. Mais au moins, je me suis musclée à force de le porter.

— Bye, maman !

Bien sûr, elle est devant la porte et me prend dans ses bras.

C’est dur d’être dans ses bras, car je n’ai pas envie d’en partir et d’affronter le vaste monde. Il est méchant, le monde, et ici c’est tellement plus agréable…

— Je t’aime, ma puce.

— Je t’aime, maman.

Puis je m’arrache du cocon protecteur, attrape mes clés et quitte l’appartement.

Sur le chemin, la douce sensation me quitte petit à petit. Je me mets à réfléchir à ce qui m’attend et, comme à mon habitude, je me mordille déjà les lèvres.

C’est bizarre comme, à mesure que j’avance, mes pas se font moins assurés et mes jambes ont envie de trembler. Et ce n’est pas à cause du poids du cartable.

J’ai peur.

Je m’arrête à un feu et en attendant que le piéton passe au vert, je respire. Profondément. Plusieurs fois.

Ça aide, ces trucs, c’est vrai. J’ai regardé des vidéos sur YouTube et depuis j’essaie de pratiquer la méditation. On dirait que ça marche parce que j’ai moins la bouche sèche que tout à l’heure.

Je continue mon chemin et comme souvent, je croise mon copain le chien errant. Il a dû être blanc autrefois, mais à force de vagabonder dans les rues, son poil s’est sali et il fait peine à voir. La première fois qu’il m’a vue, il a grondé et relevé ses babines sur ses crocs. Il avait réussi à récupérer un déchet de l’une des poubelles qu’il avait éventrées dans la rue et devait craindre que je ne le lui pique. Je suis restée calme devant lui et il a fini par accepter ma présence. Au fil des jours, on est devenus amis. Je lui donne des trucs que je ramène en douce de la maison. Mais ce matin, avec ma mère qui voit tout, je n’ai pas pu me risquer à lui apporter le reste de jambon que je lui avais mis de côté. Il n’a pas l’air de m’en vouloir et, alors que je me suis accroupie pour lui caresser la tête, bâille à s’en décrocher la mâchoire. Je grimace devant son haleine de chacal :

— Toi, tu mériterais d’être un dragon, c’est limite du feu que tu m’as craché au visage, là…

Je secoue la tête mais je souris de le voir m’emboîter le pas. Parfois, il m’accompagne jusqu’au collège et d’autres fois, il s’esquive avant d’y arriver.

Il n’empêche, malgré sa présence réconfortante, j’ai encore peur. Je me demande quelles saletés Chimène va avoir répandues pendant la nuit. Et ce que l’on va encore dire de moi dans mon dos aujourd’hui.

Comme en réponse à ma question, un bip se fait entendre sur mon portable. Il s’agit d’une notification, j’ai reçu un mail. J’hésite mais je finis par le sortir de ma poche. De toute façon, j’ai changé d’adresse mail, j’ai bloqué tous les indésirables et j’ai verrouillé mon profil Facebook, ça ne peut donc pas être une mauvaise nouvelle… Tandis que le chien poursuit son chemin tout seul, je lis le message envoyé d’une adresse que je ne connais que trop bien.

 

 À : Vinnie.Queen@free.fr

De : fashionvictim@gmail.com

Objet : les roses vaincrons

Pour infos, aujourd’hui C code rose au collège. Von en baver, celle qui respekte pas le code. Au plaisir, Virg’ !

Ta copine Chimène

 

Je m’arrête, j’ai envie de vomir mon petit-déjeuner.

Je sais très bien comment ça s’appelle, ce qu’elle fait. Du harcèlement.

Et ce n’est pas nouveau, cela fait plus d’un an que cela dure.

Ma mère est intervenue auprès des piliers de l’établissement : le principal et son adjointe, ainsi que le CPE, ils étaient tous là et ils ont évidemment dit que ce n’était pas tolérable et que Chimène serait punie. Elle ne devait plus m’envoyer de méchancetés par sms et elle devait me laisser tranquille. Alors elle a simplement contourné l’interdiction : son mail peut tout à fait passer pour un avertissement amical ou une blague. Sauf que c’est bel et bien une menace.

Je le sais, elle le sait, mais n’importe quel adulte à qui je montrerais le mail ne ferait qu’en rire ou dire que ce n’est pas grave.

 

Je fourre le portable dans ma poche et reprends, plus lentement, le chemin vers le collège. À cet instant, l’un de mes anges gardiens fait une apparition dans ma tête : « Tu es sûre que tu ne peux pas dire aux responsables du collège que Chimène n’a pas tenu sa promesse et t’a attaquée ? Non, parce que ses fautes d’orthographe, là, c’est une véritable agression visuelle. » Eh oui, Humour est souvent là pour m’arracher un sourire, merci à lui. Par contre, je me demande ce que fait Courage ce matin, elle n’a pas l’air très réveillée, ma guerrière intrinsèque. Humour et Courage… Mourhû et Rajkou, les deux gardiens de la reine Vinnie…

Parce que, oui, les nuits je deviens la reine d’un pays imaginaire adapté de mon quotidien. Ce qui est encore plus fou, c’est que ça se passe toutes les nuits. Et qu’à force de rêver que je vaincs l’Archipeste dans mes rêves, j’ai bon espoir que ça finira par arriver. En vrai.

Et là je soupire, parce que ça fait cinq bonnes minutes que je n’ai pas bougé. Ça va pas m’aider à arranger ma réputation si quelqu’un me voit plantée là à me marmonner des trucs à moi-même. Allez courage, ma fille. Tu es la reine de la Cour, ne l’oublie pas. Lol.

J’y arrive justement, dans cette cour. Elle m’a paru immense lorsque je suis entrée au collège, il y a deux ans et demi. J’étais impressionnée et ne connaissais personne, car nous venions d’emménager dans cette ville suite au divorce. Le visage soigneusement impassible — ça me faisait mal à la mâchoire tellement je contractais mes muscles — je m’étais mise dans un coin, à côté de la grille qui jouxte l’école primaire. Derrière le grillage, il y avait un groupe de CP qui venaient aussi de faire leur rentrée et qui affichaient le même air terrifié que moi le matin devant ma glace, alors ça m’avait donné du courage. J’avais parlé avec quelques-uns d’entre eux et je leur avais dit que tout se passerait bien.

Maintenant, c’est devenu un rituel entre nous, ce salut du matin. Encore aujourd’hui, je laisse ma paume traîner sur la grille et les petits me « checkent » celle-ci en la tapant de l’autre côté. C’est notre salut. Je leur fais un sourire, échange deux trois mots avec mes nains préférés et continue en direction de Sophie et Orson.

Ah, Sophie et Orson… Sans eux, ma vie au collège serait un enfer. Et pour eux aussi, car ils ne rentrent pas dans les critères établis des « gens fréquentables » érigés ici. Sophie est albinos et sa peau blanche, ses cheveux de lune et ses yeux rougis la placent directement à part des autres. Pourtant c’est une amie formidable, pleine de bons conseils. Au Royaume de la Cour, elle bénéficie du respect qu’elle mériterait d’avoir dans la vraie vie. J’ai l’impression qu’elle commence également à être plus sûre d’elle, grâce au trio d’enfer que nous formons avec Orson. Lui, il a la carrure de l’ours que je lui ai associé au pays des rêves et la tendresse de son équivalent en peluche. La première fois que je l’ai rencontré, il chantait « Tape tape dans tes mains, Petit Ours Brun » à son petit frère, ça m’a touchée. Il est plutôt gros, comme tout le monde dans sa famille, et ça lui vaut des moqueries incessantes. Enfin, ça lui valait. De nous trois il est le premier à s’être rebiffé contre les attaques verbales et après deux ou trois bagarres bien senties contre ceux qui avaient vomi des méchancetés sur son physique ou sur son nom, on le laisse maintenant tranquille. Ses parents, qui sont fous de cinéma, l’ont appelé ainsi en hommage à Orson Welles, un réalisateur et acteur de génie, à ce qu’il paraît. Comme personne ne connaissait ce type, au départ ça a fait rire. Puis il a suffi que quelqu’un dise « Orson, comme le type au cinéma ? » et ça s’est arrêté.

C’est souvent comme ça, j’ai remarqué. Lorsque personne ne dit rien, on a l’impression d’être attaqué par la cour entière. Alors qu’il suffirait qu’une ou deux personnes réagissent et je suis sûre qu’on nous ficherait la paix. Mais les gens sont égoïstes. Ou ils ont peur, eux aussi.

— Salut, vous deux !

Je fais la bise à Orson et Sophie et on se raconte nos rêves de la nuit précédente. Les leurs sont moins aboutis que les miens : ils ont été sidérés la première fois que je les leur ai décrits. Il faut dire que j’ai une sacrée imagination. Trop peut-être. Mais ça fait du bien d’être transformée en héroïne toutes les nuits. J’ai l’impression qu’au fur et à mesure que je débarrasse le royaume de la Cour des monstres sous l’avatar de Vinnie, je gagne en assurance dans la vraie vie.

On bavarde tellement bien — je suis en train de leur décrire la tenue de la Fâ Shion et ils pouffent de rire — que je ne vois pas Chimène arriver. Pourtant je m’étais placée face à l’entrée, comme d’habitude. Réflexe défensif, diraient les psys. Ben aujourd’hui, le réflexe défensif n’a servi à rien : elle devait déjà être là avant moi et se refaisait probablement une beauté aux toilettes avec sa clique de copines, car j’entends sa voix mielleuse derrière moi tout à coup.

— Oh, mais regardez-moi ça ! Il y en a trois, là, qui n’ont pas respecté le code du jour on dirait…

C’est fou comme une voix peut vous liquéfier sur place.

Au bout d’un temps qui me semble durer une éternité, je me retourne vers celle qui est devenue mon ennemie jurée.

Elle a un an de plus et est en troisième, ce qui semble lui conférer le droit de regarder le monde de haut. Pourtant, elle a bien dû être enfant elle aussi un jour, s’est sûrement déjà sentie impressionnée par d’autres personnes… Mais si ça a été le cas, elle le cache bien.

Au collège en tout cas, elle est toujours sûre d’elle, toujours habillée avec des marques hyper chères ou des vêtements originaux et tout le monde l’admire. Quoique, admirer quelqu’un au cœur aussi noir, je ne sais pas comment c’est possible. Enfin ! Ils ne la voient pas telle que moi je la vois, cette fille ? Sous la beauté surfaite se cache une araignée, une araignée velue et hideuse. Mon subconscient ne s’est pas trompé en la représentant sous ces traits dans mes rêves.

Or, j’ai la phobie des araignées. Je fais tout pour ne pas le montrer mais je suis en panique quand j’en vois une. C’est un peu pareil quand je me trouve face à Chimène.

Aujourd’hui, heureusement, elle m’impressionne nettement moins que d’habitude. Elle porte un T-shirt moulant, du même rose bonbon que celui porté par la Fâ Shion mais la ressemblance s’arrête là : pas de pantalon velu et de talons hauts mais une jupe vichy et des chaussures type « bowling » (il paraît que c’est à la mode, moi je trouve juste ça hideux). Ses yeux sont cachés derrière de grosses lunettes (fushia bien évidemment), pour achever son total look. Je dois dire que, pour une fois, le résultat n’est pas particulièrement seyant. Du moins à mon avis, car ses trois copines sont presque exactement habillées pareil.

— Hum… Un code… genre « agents secrets » et tout ? Pas sûre que vous passiez incognito, là…

— Ah ah ah, amusant. Bon, les filles, quel sera le gage donné à ces trois-là pour ne pas avoir respecté le code ?

— Euh, attends…

Et là, pour la première fois depuis des mois, je me sens sûre de moi. Je SAIS ce que je vais dire. Je SENS que je peux gagner le combat, voire la guerre qui nous oppose depuis longtemps. À mon avis, Courage a enfin décidé de montrer le bout de son nez. Je remarque que plusieurs personnes se sont rapprochées pour assister à notre affrontement. Plusieurs personnes qui, à ce que je peux voir de leur tenue, n’ont PAS mis de rose aujourd’hui. Peut-être qu’ils n’en avaient pas, peut-être qu’ils se sont dit que ce serait moche sur eux. Mais peut-être qu’ils avaient juste envie de se rebeller, eux aussi.

— Ton code débile, je n’en ai rien à faire. Un code, c’est pour ceux qui veulent adhérer à un groupe. Et ton groupe, je n’ai aucune envie de le rejoindre, merci bien. J’ai passé l’âge de jouer aux poupées Barbie, moi.

Et je me retourne.

Je prends un risque, je sais bien. Et ça me tue de ne pas voir sa tête, même si j’ai eu le temps de remarquer ses yeux s’écarquiller comme des soucoupes derrière les lunettes démesurées. Je reprends ma conversation avec Soph’ et Orson comme si de rien n’était.

— Donc, les amis, je vous disais que ma mère m’avait ramené ça d’Australie.

J’ouvre ma veste et montre mon pull.

— Waouh, fait Sophie, sincèrement intéressée, il est trop cool et il a l’air super doux.

— Il est top, surenchérit Orson, pour en rajouter une couche.

Avec ses sempiternels jeans et sweat-shirts à capuche, il n’est pourtant pas franchement attiré par la mode. Mais là, il hoche la tête comme s’il était fasciné.

— Hey, sympa, le pull, Virginie ! lance l’une des filles de ma classe.

— Ouais, il vient du pays des kangourous.

Et nous voilà tous partis dans une discussion sur les voyages, les moutons et mon pull.

C’est chouette, j’en aurais presque oublié Chimène.

Mais celle-ci ne baisse pas les bras si vite.

— Bon, ça va, l’asociale, tu veux rester seule, reste seule. On n’avait jamais vraiment eu l’idée de t’inviter dans notre cercle, de toute façon.

Je me retourne et la toise. C’est moi ou elles ne sont pas nombreuses, les filles qui ont joué le jeu du « code rose » ? En tout cas Chimène n’est pas, comme souvent, entourée d’une troupe de moutons silencieux.

C’est ça qui est le plus dur, d’habitude : croiser le regard des spectateurs qui assistent à nos prises de tête. Des regards curieux, parfois compatissants, souvent narquois. Mais sans personne pour réagir, pour venir au secours de celui qui est attaqué. Des moutons qui suivent juste le mouvement et qui ne se croient pas complices. Alors que c’est cette présence silencieuse qui donne du poids aux agresseurs, les fait se sentir forts… et leur donne envie de recommencer. Il y a un type qui a dit « qui ne dit mot consent ». Il a tout compris, lui. Lorsqu’ils voient que personne ne s’oppose à ce qu’ils ont dit, les agresseurs se sentent les maîtres du monde. Ça devrait être ridicule, mais quand on est placé d’office dans la position de victime, c’est difficile de résister au concept, seul contre tous. Mais moi je ne suis pas seule. J’ai Sophie et Orson à mes côtés, et aujourd’hui il me semble que d’autres se sont joints à eux.

 

Encouragée, je me poste face à l’araignée qui me gâche la vie. Il est temps d’en finir.

— Chimène, sois gentille, va jouer ailleurs. Si tu veux augmenter ta bande, va plutôt chercher de ce côté-là.

Et je pointe le doigt vers la cour des primaires. Là-bas, mes mini-alliés ont toutes et tous joué le jeu. Car Sophie avait déjà entendu parler la veille du code rose. Et que sa parade, ça a été de glisser un mot à mes fans avant qu’ils ne quittent l’école : « demain, ce serait trop cool si un maximum d’entre vous portait quelque chose de rose… Ça aiderait beaucoup Virginie pour calmer l’archi-peste. Faites passer. » Et comme ils sont trop choubinous (et qu’ils détestent Chimène autant que moi), ils ont tous fait l’effort de mettre au minimum un nœud rose ou, même, pour l’un des garçons de CM2, une cravate en soie que sa mère a dû lui forcer à porter lors d’un réveillon et qu’il arbore maintenant d’un air narquois. À les voir toutes et tous afficher leurs habits roses, on a l’impression que le code édicté par mon ennemie est complètement enfantin et ridicule. La sœur d’Orson est même affublée d’une paire de lunettes qui ressemblent à celles de Chimène.

Celle-ci pâlit, rougit, puis s’apprête à quitter le champ de bataille. Elle ôte ses lunettes d’un coup sec et les glisse dans sa poche.

En partant, elle glisse un regard mauvais dans ma direction et ne peut s’empêcher d’essayer d’avoir le dernier mot :

— Ça, ma fille, tu me le paieras…

— Dans tes rêves !

 

Je ne sais pas si c’est la conviction que j’ai mise dans ma voix qui l’a fait sursauter. En tout cas, elle achève de faire volte-face et quitte les lieux suivie par ses copines, qui se jettent des coups d’œil mal assurés.

Je me retourne vers Sophie et Orson, et un sourire commence à fleurir sur mes lèvres. Automatiquement, nos bras se lèvent et nos paumes claquent les unes contre les autres en signe de victoire. L’archi-peste a aussi été vaincue dans le monde réel, elle est pas belle la vie ?

 

 

***

— Ben, pourquoi tu mets un gilet bleu ? s’étonne bêtement Mélinda.

Chimène a envie de grincer des dents devant la stupidité des filles qui forment sa clique. Mais il lui faut bien des groupies, aussi sa voix trahit-elle seulement un agacement hautain tandis qu’elle explique :

— Les filles, je crains que le rose, ce soit dépassé. Qui a eu cette idée, déjà ? Laurine, non ? J’aurai dû insister pour qu’on reste au bleu. Comme de toute façon ils s’habillent tous en jeans, ça aurait encore plus donné l’impression que tout le monde nous suivait. Même ce ballot d’Orson aurait semblé avoir adhéré au code. Alors que ce rose, c’était sûr que pour tous ces timorés, c’était fichu d’avance. Oui, mauvais plan, Laurine, il faudra que tu te rachètes. T’as intérêt à nous inviter ce week-end, ça compensera un peu.

 

Ladite Laurine, une petite musaraigne aux cheveux bruns et ternes, acquiesce avec fatalisme. Elle n’a pas le courage de dire que l’idée ne venait pas d’elle, mais bien de Chimène. Après tout, elle sait que ses amies n’en sont pas vraiment et qu’elle n’est dans le groupe des langues de vipère du collège que grâce à la piscine intérieure que ses richissimes parents ont eu la bonne idée de faire construire.

Alors elle se tait tandis que tout le monde fait semblant de croire à la version de Chimène. Celle-ci atténue du mieux qu’elle peut le rose de sa tenue, en ôtant les accessoires superflus et en boutonnant son cardigan bleu marine. Tandis que les conversations ont repris autour d’elle, en omettant soigneusement le sujet, elle réfléchit à ce qui vient de se passer.

Il devient dangereux de s’en prendre à la petite Virginie. Elle a grandi et semble déterminée à ne plus se laisser faire, il va peut-être falloir considérer une victime plus facile à mettre en boîte. Elle a un léger frisson en se remémorant son adversaire lui lançant ce « Dans tes rêves ! » agressif, les yeux fermement plantés dans les siens. On aurait dit deux dagues qui faisaient mouche. Pourtant, Virginie n’avait aucun moyen de savoir que les rêves de Chimène étaient loin d’être plaisants, depuis quelque temps… Non, c’était juste une coïncidence.

Mais, tandis que la cloche sonne et que Chimène s’apprête à reprendre les rênes de son groupe, elle ne peut s’empêcher de penser à ce qui se cache au fond de son esprit : le souvenir de ce cauchemar récurrent, qui lui gâche toutes ses nuits — celui où elle se transforme en une énorme araignée, noire et velue.

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