Je vous l’ai dit lorsque je vous ai présenté ma « Dream Team« , j’ai 3 relecteurs qui travaillent en ce moment sur mon manuscrit. ♥ Certains s’approchent d’ailleurs de la fin alors que je commence à peine mes corrections éditoriales. 😉
Mes bêta-lecteurs se complètent bien : entre « coups de fouet » et « coups de cœur », je vois bien mieux ce que je dois absolument changer… et ce que je peux garder en l’état ou modifier légèrement pour rendre mon texte meilleur.
L’un des points que j’ai travaillés cette semaine, c’est de rendre mon héroïne plus active, moins passive.
J’ai eu du mal avec cela car dans mon scénario
- l’héroïne se retrouve dès le départ amnésique ;
- je souhaite qu’elle et le lecteur se demandent comment il est possible qu’elle soit considérée comme « celle qui va sauver le monde » (elle n’a que 16 ans) ;
- et il y a un autre « angle narratif » que je garde secret, mais auquel je dois penser en même temps, qui doit montrer sa « faiblesse »…
Bref, dans ma première mouture, Sylvine était systématiquement affublée de « pauvrette » et de « mon enfant » par ses interlocuteurs et devait se contenter de regarder tout le monde décider à sa place.
Je n’ai pas changé cela.
(ah ah, vous vous attendiez à ce que je dise le contraire, avouez !!! 😀 )
Elle a toujours droit à ces appellations et à ce traitement. Et pour cause ! Imaginez que vous vous réveilliez amnésique : tous vos interlocuteurs sont des inconnus, vous ne pouvez pas décider de vos actes en toute connaissance de cause, vous n’êtes pas sûr que vos choix présents correspondent à votre « vous d’avant », bref, difficile de savoir comment réagir au quotidien. Et l’entourage de mon héroïne en a pleinement conscience et ne souhaite pas l’accabler d’informations non plus…
Ce que j’ai fait, c’est essayer de mieux montrer le point de vue de l’héroïne, son ressenti et ses intentions, même si au final, ses actions gardent les mêmes limites.
Un exemple avant / après, ça vous dit ? 😉 Je vous rassure, je vais essayer de spoiler le moins possible. D’ailleurs, cet extrait est situé dans le chapitre 2 donc au tout début de l’histoire.
Le contexte : Gandore, le grand Sage de Citara, a une idée pour aider Sylvine à retrouver ses souvenirs : la réminiscence. Mais comme il ne veut pas lui en dire plus tout de suite et qu’elle est très faible, il utilise ses pouvoirs pour l’endormir sans répondre à ses questions… Quelques heures après, elle se réveille.
Avant
Elle pouvait se l’avouer maintenant, elle avait été soulagée que les propos fracassants de Gandore n’aient pas été immédiatement suivis d’effet. Bien au contraire, le Sage avait enchaîné sur la nécessité de bien préparer la chose et avait donc enjoint Sylvine de se reposer, tandis qu’il organiserait sa réminiscence et préviendrait le Conseil. Cela avait suscité d’autres questions chez la jeune amnésique, mais, avant qu’elle n’ait eu le temps de les formuler, et de protester avec vigueur qu’elle n’était pas fatiguée, sa main puissante avait alors balayé son front… et elle ne s’était réveillée que quelques heures plus tard, tout à la fois frustrée dans ses attentes, admirative des pouvoirs manifestes de Gandore et soulagée de se trouver en bien meilleure forme.
Je suis non seulement beaucoup dans le « tell » (un procédé dont je vous parlerai plus en détail dans un prochain article, mais qui signifie que je « dis » plus que je ne « montre » les choses, ce qui met le lecteur à distance), mais finalement, on trouve que mon héroïne n’est pas si « tempétueuse » que cela puisqu’elle accepte presque sans sourciller qu’on l’endorme si c’est pour son bien…
J’ai donc décidé non seulement de revoir le temps de la narration dans cette partie-là de l’histoire (pour, logiquement, écrire au contraire au passé lorsque l’héroïne reviendra dans le sien), mais j’ai fait se lever mon héroïne du lit, prête à aller en découdre avec celui qui lui a fait ça… Et j’ai développé les sentiments que j’effleurais à peine dans ma première mouture.
Après
Sylvine ouvre les yeux et s’étire comme un chat dans son lit. Elle se sent bien, détendue. Cependant, son impression de bien-être ne dure pas lorsqu’elle réalise qu’elle n’a toujours pas recouvré la mémoire. Seuls les derniers événements lui reviennent en tête et notamment sa discussion avec Gandore. Elle fronce les sourcils en se souvenant des propos fracassants du Sage sur le fait qu’elle doive « partir ». Elle n’a rien compris à son histoire de réminiscence et se doute bien que la chose ne va pas être aisée. Toutefois, Gandore n’a pas daigné lui expliquer ce dont il s’agissait exactement : coupant court aux questions qui se bousculaient sur ses lèvres, il avait fini par balayer son front de sa main puissante… et elle venait juste de se réveiller, probablement de nombreuses heures plus tard.
Furieuse d’avoir été l’objet de ce tour de passe-passe, frustrée de ne pas avoir obtenu des réponses à des interrogations pourtant bien légitimes, elle repousse les draps soyeux et se laisse glisser hors du lit. Elle est soulagée de constater que son mal de tête s’est envolé, ainsi que les vertiges qui l’accompagnaient, et une part d’elle-même ne peut s’empêcher d’admirer les pouvoirs du guérisseur. Mais une petite partie seulement car le reste de son être s’offusque d’avoir été traité de façon aussi cavalière.
Même si elle se sent encore un peu faible – et complètement affamée -, elle a bien l’intention d’obtenir plus d’explications sur sa situation. Et maintenant !
Alors qu’elle se dirige vers la porte, elle sursaute en entendant les coups légers frappés à celle-ci.
— Entrez !
Dame Élaine passe une tête souriante par l’embrasure, avant de soupirer en voyant Sylvine debout, l’air plus frondeur que jamais.
— Jeune Dame Sylvine, ce n’est pas raisonnable, dans votre état… Je vous en prie, regagnez votre lit : Gandore m’a expressément demandé de veiller à ce que vous vous reposiez durant cette journe.
Sylvine s’apprête à rétorquer qu’il n’en est pas question, mais ses yeux se posent sur le plateau que la gouvernante est en train d’apporter dans la pièce. Dessus sont joliment disposés un bol en grès bien garni d’où dépassent des pépites marron, une sorte de théière allongée et fumante, une coupelle avec des fruits des bois et un petit bouquet de fleurs des champs dans un vase en cristal..
Grumbllllll.
L’estomac de Sylvine la trahit. La diatribe qu’elle s’apprêtait à lancer, sur les ordres de Gandore et ce que Dame Élaine pouvait faire avec, devra attendre qu’elle ait avalé quelque chose. Elle se résigne donc à retourner dans ce lit, dont il semble que, décidément, elle ne parviendra pas à s’échapper.
Bon, cette version n’est pas parfaite (et il y a toujours des lecteurs pour préférer les premières moutures hi hi hi), mais au moins, j’ai essayé de montrer l’éventail des émotions ressenties par mon héroïne et de la faire agir, malgré le peu de latitude qu’elle a. Et de mettre plus de « show » que de « tell »…
Alors, bien sûr, j’attends maintenant votre verdict sur ma réécriture ! 😉
Mais aussi sur ce genre d’article : cela vous intéresse ou pas, de voir mes « avant-après » au cours de mes corrections ? Si oui, vous savez ce qui vous reste à faire : me laisser un commentaire ! 😉
Coucou par ici !
Je sors de mon mode sous-marin :p C’est super intéressant de te suivre pas à pas et de voir tes avant/après. Clairement, je trouve le 2e extrait beaucoup plus riche et immersif. Tu as une super héroïne et en collant à ses émotions, on s »y attache d’autant plus <3
Bises et bon courage !
Oh c’est trop chou de commenter cet article, ça me touche, merci. ♥
Et merci pour les compliments. 🙂 Je suis pour l’instant très motivée, j’espère que ça continuera comme ça !
Mais carrément ! C’est super intéressant de voir l’avant / après. Pour moi, la seconde mouture a vraiment plus de punch et je ressens beaucoup plus d’empathie envers Sylvine parce que je partage ses sentiments et que je comprends très bien ses réactions. Bref je trouve la réécriture plus efficace et plus impliquante, bravo pour ce beau travail !
Supprimer le tell pour faire plus de show,je trouve que c’est un exercice exigeant mais le résultat en vaut vraiment la chandelle. En tous cas, ça multiplie les secs ;p
Merci de ton enthousiasme, Chany !!! 🙂
Par contre, pour la multiplication des secs, ce n’est pas forcément un avantage pour moi… vu que la bête fait déjà 105 000 mots (plus de 635 000 secs). :p
Oui c’est le problème. Avec le show on ajoute des détails, des sentiments etc, du coup ça multiplie les secs, mais d’un autre côté, ça nous oblige à regarder notre histoire sous un autre angle, à inventer et raconter des anecdotes qui parfois nous aident finalement à développer notre histoire sur des routes inattendues 🙂
Oui, c’est exactement ce qui m’est arrivé avec l’exemple que j’ai mis dans l’article d’aujourd’hui, celui sur le fil d’amour. 😉
J’adore la nouvelle version. On est plus avec Sylvine, dans sa tête. On comprend mieux ses attentes.
J’en veux plus ! 😉
Merci mon Acharat !!! On verra pour plus ce week-end, si j’ai bien avancé. 😉
Oui, c’est très intéressant les avant/après. Et le show don’t tell, c’est un peu notre chemin de croix à tous. C’est (presque) toujours mieux quand les choses sont montrées que dite. Et pourtant, on a toujours tendance à trop raconter dans les premiers jets…
Oui, j’ai un gros boulot à faire sur certains chapitres à ce sujet ! 😉
Ça peut être intéressant de voir le avant/après.
Le show don’t tell, à la base, je pensais maitriser un minimum, d’autant plus que c’est très important pour moi que l’on ressente ce qu’il se passe dans la tête des personnages. Mais j’ai vu que j’avais encore quelques lacunes. Une connaissance bien utile pour faire plus attention pour mes prochains manuscrits 🙂
Oui, parfois on pense en avoir fait mais on est passé à côté. Ça peut vite s’avérer frustrant, d’ailleurs, cette histoire… 😉
Coucou ^^
Je trouve également que le 2ème écrit est mieux : plus immersif dans le tête de Sylvine et sur ce qui l’entoure. Tu fait braiment du bon boulot j’ai hâte d’avoir le bébé entre les mains pour le lire !! XD
Bonne chance ! Continue
PS : je trouve la méthode du avant/après super ! Cela tien en haleine jusqu’à la sortie en plus .
Merci Nolwenn !!! 🙂
Coucou!
déjà, je vote pour le avant après. Rien ne vaut mieux que l’exemple. En effet, on sent mieux la nuance.
Et je suis 100% d’accord avec toi sur le fait que ton héroïne a le droit d’être perdue au début. Il y a une raison très importante qui pousse les écrivains à avoir des héros pleins de volonté: l’empathie. Un héros qui agit est un héros qui choisit. Et pendant le processus du choix, nous ne pouvons nous empêcher de nous dire: «tiens! qu’est-ce que je ferais à sa place?» Et cela nous harponne, nous fait plonger dans l’histoire. C’est pour cela que l’on voit partout ce conseil comme une obligation, une règle d’or, une recette miracle.
Mais rien n’est obligatoire! Ce qui compte c’est d’accrocher mais aussi d’être cohérent avec son personnage. Et tu as mille fois raison! Comment une jeune fille amnésique pourrait être, dès le réveil, une personne pleine de volonté si elle ne sait même pas qui elle est? Je trouve ça intéressant ce processus que tu ajoutes dans l’histoire de voir l’héroïne recouvrer sa volonté en même temps que sa mémoire. C’est même très profond et la profondeur, ça accroche aussi le lecteur, même si c’est dans un second temps.
Hâte de voir le résultat! Bon courage pour la suite des corrections ^-^
Oh merci pour ce long commentaire, Ghaan, ça fait très plaisir !!! 🙂
J’ai essayé de combiner le ressenti « panique à bord » de mon héroïne avec plus d’actions (même si elle se plante hi hi hi)